Komische Oper Berlin

Moses und Aron

Schönberg
Ce spectacle n'est plus disponible en vidéo à la demande, mais vous pouvez encore profiter des contenus annexes à la production.

Moïse compte sur l'aide de son éloquent frère pour traduire l'idée abstraite de Dieu en images compréhensibles. Mais ses mots persuasifs ne nuisent-ils pas à l'idée pure que Moïse trouve si difficile à mettre en mots ?

Dans ce chef-d'oeuvre inachevé de Schönberg, Barrie Kosky relate l'exode des Israélites – avec près de 200 interprètes sur scène – comme une parabole de la recherche incessante de réponses par l'être humain. Le célèbre chef d'orchestre russe Vladimir Jurowski revient sur son ancien lieu de travail, le Komische Oper Berlin, pour commémorer le 70e anniversaire de la libération d'Auschwitz.

Distribution

Moses
Robert Hayward
Aron
John Daszak
A Young Maiden
Julia Giebel
A Youth
Michael Pflumm
Another Man / Ephraimite
Tom Erik Lie
Naked youth
Johannes Dunz
Sick Woman
Karolina Gumos
Priest
Jens Larsen
First naked virgin
Julia Giebel
Second naked virgin
Sheida Damghani
Third naked virgin
Karolina Gumos
Fourth naked virgin
Zoe Kissa
Six solo voices in the orchestra
Julia Giebel, Karolina Gumos, Caren van Oijen, Michael Pflumm, Tom Erik Lie, Jens Larsen
Three elders
Tim Dietrich, Henrik Pitt, Matthias Spenke
Danseurs
Meri Ahmaniemi, Csaba Nagy, Shane Dickson, Zoltan Fekete
Chœurs
Chorsolisten, Kinderchor der Komischen Oper Berlin und das Vocalconsort Berlin
Orchestre
Orchester der Komischen Oper Berlin
...
Musique
Arnold Schönberg
Direction musicale
Vladimir Jurowski
Mise en scène
Barrie Kosky
Décors
Klaus Grünberg
Lumières
Klaus Grünberg
Costumes
Klaus Bruns
Chef des Chœurs
David Cavelius, Dagmar Fiebach (Children chorus)
...

Vidéo

Teaser

TEASER | MOSES UND ARON Schönberg – Komische Oper Berlin

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Extrait

Ein Wunder erfüllt uns mit Schrecken

Acte 1. Le peuple israélien se réjouit du miracle d'Aron, mais le prêtre affirme que la loi divine seule n'a pas le pouvoir de les libérer de l'emprise du Pharaon. Aron rend alors la main de Moïse lépreuse pour la guérir plus tard. Dirigé par Vladimir Jurowski et mis en scène par Barrie Kosky.

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En coulisses

Robert Hayward (Baryton-basse)

« Moïse est quelqu'un qui a l'impression de porter le monde sur ses épaules en permanence, pas seulement le monde du Tout-Puissant, mais aussi la responsabilité de toute une nation », explique Robert Hayward, qui joue le rôle difficile de Moïse dans Moses und Aron de Schönberg dans la production du Komische Oper Berlin.

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L'histoire

Auprès du buisson ardent, Moïse reçoit la mission de mener le peuple d’Israël à la véritable pensée de Dieu (et de le faire sortir de l’Égypte d’ici-bas). Il rencontre Aron, qui est à même de transcrire cette pensée dans la langue du peuple. Il rejoint le peuple (grâce au soutien d’Aron et sans prendre la mesure de son combat) qui croit en lui sur la base de […] miracles et se laisse guider par lui hors d’Égypte.

Sur le mont Horeb, Moïse reçoit les tables de la Loi, lois qui découlent directement de ses pensées. Ce faisant, une large différence apparaît entre les nécessités humaines imposées par la vie en société et l’abstraction pure sur laquelle repose la pensée. Tandis qu’absorbé par la parole de Dieu, Moïse se soucie de lui donner une forme pérenne et immuable, un soulèvement s’empare du peuple […], dont le trait essentiel doit apparaître comme l’émergence fervente du besoin d’un Dieu perceptible par les sens. Les passions alors exprimées, nobles mais humaines, montrent que le peuple n’est pas prêt à recevoir la pensée dans sa forme pure. Aron parvient finalement à convaincre Moïse d’opérer quelques concessions.       

Arnold Schönberg

En profondeur

Les aspirations mosaïques de Schönberg

L'opéra Moses und Aron d'Arnold Schönberg dépeint ostensiblement un thème biblique – Schönberg écrivit lui-même le livret allemand après le Livre de l'Exode. De plus, ses enjeux ne peuvent être pleinement compris que dans le contexte de l'époque de sa composition, marquée par des personnages comme Theodor Herzl, le père du sionisme politique moderne, et le fondateur de la psychanalyse Sigmund Freud.

Schönberg conçut l'œuvre comme une réponse directe à une crise de l'identité juive déclenchée par le traumatisme d'une rencontre antisémite en 1921. Alors qu'il était en vacances dans la ville autrichienne de Mattsee, il fut contraint de partir à l'improviste, car il n'y était pas le bienvenu en tant que Juif. S'étant converti au protestantisme en 1898, Schönberg vit dans cette expérience le catalyseur de son engagement en faveur de son identité juive. Il revint officiellement au judaïsme en 1933, l'année de son émigration aux États-Unis.

Arnold Schönberg
I have decided to give up my previous activities as a composer, writer, music theoretician, etc., and to do only one thing from now on: work for the salvation of the Jews.

La voie biblique

Très vite, il s’intéressa aux frères Moïse et Aaron, différents mais complémentaires. Le thème apparaît déjà dans sa pièce agitprop Der biblische Weg (La voie biblique, 1926-27) qui se déroule dans l'ère moderne et dans laquelle le protagoniste Max Aruns – dont la similarité avec à Moïse et Aaron est à peine dissimulée – échoue finalement en tant que leader du peuple juif.

Arnold Schönberg
Nobody wanted to be, someone had to be, so I let it be me.

Revenant à ses racines bibliques, Schönberg écrivit d'abord le texte d'une cantate intitulée « Moses am brennenden Dornbusch » (Moïse auprès du buisson ardent), la transformant en oratorio en trois parties en 1928, avant de composer finalement les deux premiers actes de l'opéra entre 1930 et 1932. Schönberg avait l'intention d'achever le troisième acte avant sa mort, mais ne composa que quelques esquisses. Par conséquent, l'opéra ne fut jamais joué de son vivant.

Malgré son statut d'œuvre inachevée, l'opéra est considéré comme un chef-d'œuvre. À travers le matériau biblique, l’opéra de Schönberg est imprégné de ses conflits intérieurs : sa lutte contre le sionisme politique et son ambiguïté envers son propre mysticisme religieux. Schönberg était déchiré entre ses convictions rationnelles modernes, son engagement politique et sa confrontation avec les éléments irrationnels de la foi.

Sigmund Freud
How enviable, to those of us who are poor in faith, do those enquirers seem who are convinced of the existence of a Supreme Being!

Rigueur musicale et mysticisme

Le mysticisme de Schönberg – son examen de la Kabbale, sa fascination pour les chiffres, et même sa célèbre peur mortelle du chiffre 13 – remonte à son travail de composition. Après avoir atteint la liberté de composition dans la dissolution de la tonalité, Schönberg conçut une approche structuraliste, connue sous le nom de dodécaphonisme, qui s'attaque aux fondements mêmes du système musical.

Malgré sa radicalité musicale, Schönberg avait raison de se considérer comme l'héritier de la tradition musicale européenne ou comme la dernière pierre de son édifice selon le chef d'orchestre Vladimir Jurowski. « La Danse autour du veau d'or » de l'acte 2, par exemple, peut être considérée comme une continuation du grand opéra-ballet du Grand Opéra français, tandis que les chœurs d’hommes rappellent Kurt Weill.  

Le penseur introverti et l'orateur extraverti

« Moïse et Aron représentent pour moi les deux activités d'un homme, un homme d'État », explique Schönberg. « Ses deux âmes ne se connaissent pas ; la pureté de sa pensée n'est pas obscurcie par ses actions publiques, et celles-ci ne sont pas affaiblies par la considération des problèmes non résolus que pose la pensée. »

Pensées contre mots, idées contre images : pour Schönberg, les frères incarnent deux concepts très différents. Moïse, l'intellectuel, a besoin du soutien de son frère pour traduire l'idée abstraite de Dieu en mots et en images compréhensibles. Dans la vision de Schönberg, Aron devient un magicien. Lui seul est capable de convaincre le peuple inconstant de suivre Moïse dans son culte d'un Dieu abstrait.

Martin Buber
It is laid upon the stammering to bring the voice of Heaven to Earth.

Moïse, qui a la langue bien pendue, ne s'exprime que dans un sprechgesang sur des notes approximatives, tandis qu'Aron, l’orateur des pensées de son frère, s'exprime en mélodies (atonales).

L'inachevé

Schönberg ne termina jamais son opéra. Jurowski estime que « si le thème principal d'un opéra est le problème de l'abstraction, c'est-à-dire si vous ne pouvez pas voir, entendre ou sentir quelque chose d'élémentaire, alors il ne peut y avoir de fin ».

Bien que le troisième acte de l'opéra ait été achevé par le pianiste et compositeur Zoltán Kocsis en 2010, le metteur en scène Barrie Kosky a choisi de jouer l'opéra tel que Schönberg l'avait laissé en 1932. « Cette dernière phrase de Moïse – « O mot, ce mot qui me fait défaut ! » - non seulement le texte mais aussi ce crescendo-decrescendo sur la dernière note, joué par les violons – est comme un dernier souffle, un dernier écho. Ce n'est pas la fin d'un acte, c'est la fin de l'opéra. »

Theodor Herzl
No Moses reaches the Promised Land.

De même que Schönberg n'a plus jamais remis les pieds sur le sol européen après 1933, passant ses derniers jours en exil américain, son Moïse est lui aussi resté dans le désert, incapable de terminer son voyage.