Polish National Opera and Ballet

Roméo et Juliette

Prokofiev
Ce spectacle n'est plus disponible en vidéo à la demande, mais vous pouvez encore profiter des contenus annexes à la production.

Pour les deux tourtereaux descendants des familles rivales Montaigu et Capulet, le passé ne peut rien contre les sentiments. À la vengeance et la haine, ils opposent l’amour et le pardon.

En 1936, de retour de son exil, Sergeï Prokofiev transforme la célèbre tragédie de Shakespeare en un ballet à fin heureuse. Les dirigeants soviétiques n’étant pas d’accord, Roméo et Juliette ont dû continuer de mourir. Dans sa mise en scène de Varsovie, Krzysztof Pastor transpose le ballet de Prokofiev dans l'Italie des années 1930, 1950 et 1990, prouvant une fois de plus le caractère intemporel de cette histoire tragique.

Distribution

Juliet Capulet
Yuka Ebihara
Romeo Montague
Patryk Walczak
Mercutio
Dawid Trzensimiech
Tybalt
Maksim Woitiul
Lord Capulet
Marco Esposito
Lady Capulet
Ana Kipshidze
Benvolio
Rinaldo Venuti
Friar Laurence
Carlos Martín Pérez
Juliet's Friend No. 1
Emilia Stachurska
Juliet's Friend No. 2
Mai Kageyama
Paris
Kristóf Szabó
...
Musique
Sergei Prokofiev
Texte
Krzysztof Pastor, Willem Bruls after William Shakespeare
Dancers
Polish National Ballet
Orchestre
Orchestra of the Polish National Opera
Chorégraphie
Krzysztof Pastor
Direction musicale
Andriy Yurkevych
Décors et costumes
Tatyana van Walsum
Dramaturgie
Willem Bruls
Choreographer's Assistants
Kalina Schubert, Anita Kuskowska, Walery Mazepczyk
Lumières
Bert Dalhuysen
Film
Ewa Krasucka
...

Vidéo

Trailer

BANDE-ANNONCE | ROMÉO ET JULIETTE Prokofiev – Polish National Ballet

Lire moinsLire la suite
En coulisses

Yuka Ebihara, Patryk Walczak et Marco Esposito (danseurs)

Qu'est-ce que cela fait de danser dans l'interprétation audacieuse de Roméo et Juliette signée Krysztof Pastorde à l'Opéra national de Pologne ? Les danseurs Yuka Ebihara (Juliette), Patryk Walczak (Roméo) et Marco Esposito (Lord Capulet) nous parlent des répétitions, de la gestion des émotions pendant la danse et de leur épanouissement dans leur rôle.

Lire moinsLire la suite

L'histoire

Acte I

Scène 1

Une rue en Italie, dans les années 1930. Deux familles rivales, les Capulet et les Montaigu, font la pluie et le beau temps dans la ville, mais leur querelle semble s'être calmée pour le moment. Tout le monde participe à la promenade habituelle du soir. Une agitation soudaine se produit lorsqu'un groupe de la famille Capulet traverse la rue, menaçant de perturber l'harmonie de la soirée. Roméo, Benvolio et leur ami Mercutio les regardent mais décident de garder leurs distances pour le moment. Capulet et Tybalt, les chefs du groupe des Capulet, apparaissent également. La tension monte à nouveau entre les deux familles et une bagarre semble inévitable. Le frère Laurent les somme d'arrêter et les met en garde contre les conséquences tragiques possibles d'une telle agression publique.

Scène 2

Juliette, accompagnée de ses amis, se prépare pour le prochain bal. Ce sera là son introduction dans le monde des adultes et sa mère s'inquiète de la fin de l'enfance et de l'innocence de sa fille. Tybalt et d'autres invités de la famille Capulet arrivent et sont accueillis par la mère de Juliette. Roméo, Benvolio et Mercutio, qui n'ont pas été invités, se faufilent dans la salle de bal. Lord Capulet entre dans la salle et sa présence submerge immédiatement les invités. Roméo et Juliette se voient pour la première fois et l'attirance entre eux est évidente. Le père de Juliette la persuade de danser pour les autres hommes. Il est à la recherche d'un mari convenable pour sa fille. Tybalt, voyant que Roméo est fasciné par Juliette, décide d'intervenir, mais Mercutio, qui a également été témoin de l'attirance de Roméo, détourne les actions de Tybalt pour protéger son ami.

Roméo et Juliette se cherchent et, lorsqu'ils parviennent enfin à s'isoler un moment, Roméo demande à Juliette de danser pour lui. Au début, elle danse de la même manière que pour les autres hommes, mais ce n'est pas ce que veut Roméo : il veut qu'elle lui fasse confiance. Ils tombent amoureux l'un de l'autre, mais comme cela serait un anathème pour les deux clans, Capulet et Tybalt s’en prennent à Roméo et finissent par être expulsés ensemble de la maison. Plus tard, à l'extérieur de la maison des Capulet, Roméo vient trouver Juliette et lorsqu'ils se rencontrent, ils s'avouent leur amour. Ils finissent par se séparer avec le sentiment inquiétant que leurs familles, rivales mortelles comme elles le sont, n'approuveront jamais leur amour.

Acte II

Scène 1

Une rue en Italie, dans les années 1950. Tout le monde participe à la promenade rituelle du soir. Alors que les Capulet défilent, Mercutio et Benvolio entraînent les Montaigu dans une ambiance festive. Roméo se promène sans but. Il est amoureux de Juliette. Il est excité de recevoir un message des amis de Juliette : elle va rencontrer Roméo avec le frère Laurent.

Scène 2

Malgré ses réserves, le Frère Laurent unit les deux jeunes gens lors d'une cérémonie de mariage secrète.

Scène 3

La rue se remplit à nouveau de monde. Menés par Tybalt, les Capulet défilent. La tension monte à nouveau. Roméo interrompt une dispute entre Tybalt et Mercutio. Il veut maintenir la paix, mais ils commencent tout de même à se battre entre eux. Tybalt tue Mercutio en le poignardant dans le dos. Désespéré et furieux, Roméo attaque Tybalt et l'expédie au cours d’un duel mortel. Les deux familles assistent à la scène.

Acte III

Scène 1

Italie, dans les années 1990. Les amoureux ont passé la nuit ensemble dans la chambre de Juliette, leur seule oasis dans un amour interdit. Cependant, le monde réel continue d'envahir leur espace privé et Roméo est hanté par le meurtre de Tybalt. Juliette l'absout, mais Roméo doit finalement partir. La mère de Juliette entre dans la pièce. Le jour est venu où Juliette doit annoncer sa décision quant au choix de son époux et les deux femmes sont anxieuses. Le père de Juliette entre, accompagné de plusieurs hommes, chacun étant un prétendant possible à la main de Juliette. On lui demande de danser pour eux une fois de plus et cette fois, elle est encore plus désemparée. Son père et les hommes quittent la pièce et Juliette se retrouve une fois de plus seule avec sa mère. Inconsolable, elle implore l'aide de sa mère, une issue pour échapper à cette sentence imposée par son père, mais sa mère est liée par son nom et ne peut l'aider. Juliette comprend qu'elle doit demander l'aide du frère Laurent, qui est peut-être son seul espoir.

Scène 2

Juliette est poussée au désespoir. Lors de son rendez-vous avec le frère Laurent, il lui suggère de prendre une potion qui la plongera dans un long sommeil semblable à celui de la mort, expliquant que si sa famille et ses amis découvrent son corps inanimé, ils la croiront morte et elle sera libérée. Juliette accepte et le frère promet qu'il informera Roméo de cette supercherie afin qu'il puisse la rejoindre et qu'ils puissent s'échapper pour être ensemble. Restée seule, Juliette avale le philtre et s'évanouit. Elle est découverte par un groupe d'amis et de membres de la famille qui commencent immédiatement à pleurer sa mort.

Épilogue

Frère Laurent n'a pas réussi à transmettre le message à Roméo à temps. Roméo revient pour découvrir le corps de Juliette et, pensant qu'elle est morte, est rongé par le chagrin. S'il ne peut pas être avec elle, il ne veut pas vivre. Saisissant la dague qu'il a utilisée pour tuer Tybalt, il la plonge dans sa poitrine et meurt à côté d'elle. Lorsque Juliette se réveille de son sommeil, ses yeux se fixent sur le corps sans vie de Roméo. Son véritable amour lui a été enlevé et elle a un profond désir d'être avec son mari une dernière fois, pour l'éternité. Elle prend la dague de Roméo et s'enlève la vie. Les deux familles, touchées par le chagrin, préparent les corps pour l'enterrement.

Krzysztof Pastor et Willem Bruls

En profondeur

« Le ballet peut nous obliger à nous arrêter et à réfléchir »

Roméo et Juliette : entretien avec le chorégraphe Krysztof Pastor.

En quoi les amants tragiques de Vérone sont-ils comme nous ?
Ils sont une représentation de l'amour voué à l’échec. Et chacun d'entre nous a connu un amour de ce genre…

Roméo et Juliette sont le symbole d'un amour impossible, contrarié notamment par les conflits entre leurs familles.
Oui. Le problème naît de la haine entre deux familles et c'est pourquoi, pour moi, c'est avant tout une histoire de conflit. Pour moi, dans cette production, le conflit est un mot clé.

Cela signifie-t-il que ce n'est pas seulement l’histoire d’un grand amour ?
Non. Ou du moins pas seulement. Pour moi, ce n'est pas l'amour qui est le plus important ici. J'évite une interprétation à l’eau de rose de cette pièce. Dans mon travail, je m'attache à analyser où se situent les conflits.

Vous voulez mettre l'histoire au goût du jour.
Oui, j'ai placé le décor dans l'Italie du 20e siècle. Je pense que Shakespeare est toujours aussi pertinent parce qu'il peut raconter une histoire de Vérone au XVIe siècle tout en commentant notre époque. L'histoire se déroulera dans les années 1930, 1960 et 1990. Elle abordera les changements survenus en Italie. Mais j'espère qu'il sera clair qu'il s'agit en fait des changements qui se produisent dans le monde d'aujourd'hui en général.

Certains pourront dire que vous rompez avec la tradition, que ce n'est pas du Shakespeare...
Je n'ai pas l'intention de provoquer l'indignation. Cependant, je me rends compte que cela pourrait arriver parce que pour certaines personnes, le ballet doit être mis en scène de façon classique et sans extravagance. La musique de Prokofiev est brillante. Shakespeare est brillant. Leur génie réside dans le fait qu'ils sont toujours pertinents. Je veux simplement montrer à quel point l'histoire correspond à notre propre situation, parler aux gens ordinaires qui se débattent avec leurs problèmes quotidiens. Je ne peux pas m'imaginer mettre en scène Roméo et Juliette de nos jours avec des danseurs en collants qui se précipitent en brandissant des « cure-dents », c’est-à-dire des épées. [Rires] Je pense que cette façon de faire est plus honnête vis-à-vis du public.

En tant que chorégraphe, vous travaillez souvent avec un dramaturge. Pourquoi ?
Parce que je veux créer une histoire cohérente, qui soit racontée par la danse. Il n'y a pas de mots dans le ballet. L'intrigue est racontée en dehors des mots. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d’intrigue, mais qu'il faut la créer à partir de l'histoire originale. C'est pourquoi j’ai demandé l'aide du dramaturge professionnel Willem Bruls. C'est avec lui que j'ai « retranscrit » cette pièce en mouvement, en danse et en décors de scène.
J'avoue que j'ai intentionnellement invité une personne sans aucun lien avec le ballet à travailler avec moi. Je voulais que cette personne qui ait une approche complètement étrangère au ballet, qu'elle n'ait aucun des maniérismes du ballet. Bruls est un dramaturge d'opéra, il a donc un regard neuf sur le ballet. C'est lui, par exemple, qui m'a montré combien il était important d'avoir des moments de « silence de mouvement », quand un danseur est complètement immobile. Cela correspond à mon idée qu'un danseur n'a pas besoin de danser tout le temps pour exprimer quelque chose. On peut exprimer beaucoup de choses avec une pause, avec un mouvement arrêté.

En réinventant Shakespeare, avez-vous eu beaucoup de liberté ?
Dans le ballet, nous avons une plus grande liberté d'interprétation qu’à l’opéra par exemple. Ici, nous n'utilisons pas la parole, donc on ne ressent pas les écarts par rapport au texte. En mettant en scène ce ballet, nous réinterprétons Shakespeare, mais comme nous n'utilisons pas de mots, nous laissons une grande place à l'interprétation du public.

Pourquoi avez-vous situé le premier acte de Roméo et Juliette dans la crise des années 30 en Italie ?
Je veux montrer comment le fascisme a émergé des peurs provoquées par la crise. Au lieu de situer l'intrigue au 16e siècle à Vérone, je l'ai placée dans l'Italie du 20e siècle, pendant la crise. C'est un bon espace pour dépeindre deux familles en conflit.

Et pourtant, l'optimisme des années 1960 apparaît aussi dans votre interprétation.
Le deuxième acte est l'histoire d'un bref moment de stabilité. Les années 1950 et 1960 en Italie étaient une période d'énorme optimisme. Les Italiens disaient : « La guerre et le malheur sont terminés, maintenant nous allons de l'avant. L'industrie se développe, les choses sont colorées, nous roulons en Vespas. Nous vivons pleinement la vie ».

Le troisième acte se déroule dans les années 1990, un choix intéressant.
Les années 1990 en Italie sont l'époque de Berlusconi, un homme qui pratique également une forme de violence : la violence médiatique. Il est devenu un magnat des médias et a ainsi pris possession de l'Italie. C'est à ce moment-là qu'a commencé ce que nous voyons si clairement aujourd'hui : le populisme bon marché des politiciens, qui cause d'énormes dommages à la société. Le fameux « bunga bunga », l'orgueil démesuré, l'impunité, tout cela est né dans les années 1990. 

Mais pour beaucoup de gens, le ballet est censé être beau, romantique... sans trop de significations.
Et les danseuses sont censées glisser gracieusement dans de petites robes de tulle ? [Rires] Le ballet est censé être un pur plaisir esthétique. C'est un malentendu ! Le ballet peut aussi nous obliger à nous arrêter et à réfléchir. Il ne doit pas être uniquement décoratif.

Comment cherchez-vous un sens plus profond ?
Prenons la scène de la chambre à coucher. Dans une représentation traditionnelle, elle se déroulerait comme suit : Roméo se réveille, se lève, regarde à droite, regarde à gauche, court vers le lit, attrape la fille et la porte. Je ne peux pas faire ça ! Ce n'est pas mon style. Pour moi, il est plus important de montrer que Roméo se réveille à côté de la femme qu'il aime. Bien sûr, il s'est passé quelque chose entre eux. Il y a eu du sexe. Et la nuit précédente, il a tué un homme. Et maintenant quoi ? Il est censé regarder autour de lui, porter la fille et s'enfuir parce qu'il fait jour ? Je suis convaincu que ce n'est pas comme ça que l'envisage Shakespeare. Dans mon interprétation, Roméo est heureux et malheureux à la fois, il a passé la nuit avec la superbe fille dont il est follement amoureux. Les choses se sont très probablement déroulées à merveille, mais il sent le poids du meurtre qui le pèse.

Dans votre interprétation, les personnages sont-ils pris au piège d’un cercle vicieux d'impuissance et de haine ?
Oui. Ils ont le conflit dans leurs gènes, car le conflit est quelque chose dont on hérite. En ce sens, nous sommes déterminés par le passé. Dans mon interprétation, il y a un cycle continu de violence, et les amoureux ne peuvent pas y échapper.
En regardant Roméo et Juliette, on pourrait penser que la mort des enfants devrait mettre fin au conflit. Mais ce n'est pas le cas. Montrer l'amour dans le contexte de ce conflit le souligne, le met en évidence, et montre à quel point il est risqué.

C'est donc une histoire d'amour sans fin heureuse ?
Il n'y a pas de fin heureuse. Mais vous devez vivre avec cela d'une manière ou d'une autre. La fin du drame est très importante. Dans Shakespeare, les deux familles se réunissent autour des corps de leurs enfants. Une sorte de réconciliation se produit. Il n'y a rien de tout cela dans mon interprétation. Parce que le conflit continue.

L'entretien a été réalisé par Anna Kaplińska-Struss.