5 clés pour aborder Die tote Stadt
1° Un jeune compositeur
Erich Wolfgang Korngold avait déjà un ballet et deux opéras en un acte à son actif quand, à seulement 20 ans, il composa son premier long opéra, Die tote Stadt (« La ville morte »). Un chef-d’œuvre romantique tardif qui nous plonge dans la confusion impénétrable du subconscient et qui prit d'assaut le monde de l'opéra. Korngold fut, avec Richard Strauss, le compositeur le plus fréquemment joué sur les scènes allemandes, jusqu’à ce que les nationaux-socialistes mettent prématurément fin à sa carrière dans l’opéra. En 1934, il déménage aux États-Unis pour y écrire de la musique de film : ses partitions pour The Informer, Anthony Adverse et The Adventures of Robin Hood lui ont toutes valu un Oscar. « La musique, c'est de la musique, disait-il, que ce soit pour le théâtre, le pupitre ou le cinéma. » Ses compositions tardives n’étaient plus populaires à sa mort en 1957, mais, ces dernières décennies, ses œuvres ont enfin connu le renouveau qu'elles méritent.
2° La cité de la mort
Die tote Stadt s’inspire du roman culte symboliste Bruges-la-Morte par l’auteur belge Georges Rodenbach. Publié en 1892, il est connu pour être le premier ouvrage de fiction illustré par des photographies. Le roman raconte l'histoire de Hugues Viane, un veuf affligé qui se réfugie dans la ville silencieuse, mélancolique et perdue dans le temps de Bruges. Son érotisme morbide correspond tout à fait à l’esprit de fin de siècle tandis que le destin de cette ville médiévale devient une métaphore du sien : « La ville, elle aussi, aimée et belle jadis, incarnait de la sorte ses regrets. Bruges était sa morte. Et sa morte était Bruges. Tout s'unifiait en une destination pareille. C'était Bruges-la-Morte, elle-même même au tombeau de ses quais de pierre, avec les artères froides de ses canaux, quand avait déjà passé la grande pulsation de la mer. »
3° Un mouvement littéraire
Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, publiées un quart de siècle avant Bruges-la-Morte de Rodenbach, sont considérées comme les premières œuvres de la littérature symboliste. Adopté par des écrivains tels que Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine et Maurice Maeterlinck, ce style s’est lentement transformé en mouvement. En 1886, le quotidien français Le Figaro publiait « Le manifeste symboliste ». Écrit par le poète et essayiste Jean Moréas, il décrit la poésie symboliste comme « Ennemie de l'enseignement, la déclamation, la fausse sensibilité, la description objective », déclarant qu'elle « cherche à vêtir l’Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette. L'Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la concentration de l'Idée en soi. »
4° Le symbolisme en musique
Plusieurs compositeurs français ont été influencés par des écrivains symbolistes. Le cycle de chansons de Gabriel Fauré, Cinq mélodies de Venise, est basé sur des poèmes de Verlaine et il a écrit des musiques de scène pour Pelléas et Mélisande, une pièce symboliste de Maeterlinck. Claude Debussy a utilisé des poèmes des Fleurs du mal pour son cycle de chansons Cinq poèmes de Charles Baudelaire; il s’est inspiré de L’après-midi d’un faune de Mallarmé pour fonder son célèbre Prélude; et sa propre adaptation de Pelléas est aujourd’hui reconnue comme l'archétype de l’opéra symboliste. À mesure que le mouvement se répandait en Europe, d'autres compositeurs et librettistes expérimentaient cette esthétique. Aujourd’hui, les opéras considérés comme symbolistes incluent Le Château de Barbe Bleue de Béla Bartók, Salome et Elektra de Richard Strauss, L'Ange de feu de Sergei Prokofiev et Die tote Stadt de Korngold.