Turandot
Turandot
Grand Théâtre de Genève

Turandot

Puccini
Ce spectacle n'est plus disponible en vidéo à la demande, mais vous pouvez encore profiter des contenus annexes à la production.
Diffusé le Disponible jusqu'au Enregistré le
Chanté en
italien
Sous-titres en
anglais
italien
français

Le dernier opéra de Puccini est tout en énigmes. L'empereur de Chine règne sur la Cité interdite de Pékin. La belle et froide princesse Turandot, sa fille, soumet tous ses prétendants à une épreuve peu commune : quiconque manque à résoudre ses énigmes pour gagner sa main sera décapité. Alors que les princes malchanceux échouent et tombent, Calaf, un prince du peuple tatar, entre en scène.

La nouvelle mise en scène de Daniel Kramer à Genève transpose le vieux conte dans un monde futuriste où la magie de Turandot fait loi. Dans un jeu télévisé dystopique, qui n'est pas sans rappeler Hunger Games, la princesse orchestre la surveillance de masse : les hommes sont abattus et la race humaine n’est reproduite qu’en laboratoire. Pour la première fois de leur carrière, le collectif artistique international teamLab travaille sur la scénographie d'un opéra, en utilisant des technologies visuelles de pointe jamais vues sur une scène d'opéra et qui ne manquent pas de fasciner le public. Antonino Fogliani, maître du répertoire italien, dirige une excellente distribution, dont Ingela Brimberg qui revient à Genève dans le rôle de la terrible princesse, après sa remarquable performance dans le rôle-titre d'Elektra, diffusé récemment sur OperaVision.

DISTRIBUTION

Turandot
Ingela Brimberg
Altoum
Chris Merritt
Timur
Liang Li
Calaf
Teodor Ilincai
Liù
Francesca Dotto
Ping
Simone Del Savio
Pang
Sam Furness
Pong
Julien Henric
Un mandarin
Michael Mofidian
Chœurs
Grand Théâtre de Genève Chorus
Maîtrise du Conservatoire populaire
Orchestre
Orchestre de la Suisse Romande
...
Musique
Giacomo Puccini
Texte
Giuseppe Adami, Renato Simoni
Direction musicale
Antonino Fogliani
Mise en scène
Daniel Kramer
Scénographie/Art numérique et lumières
teamLab
Décors
teamLab Architects
Costumes
Kimie Nakano
Lumières
Simon Trottet
Chorégraphie
Tim Claydon
Dramaturgie
Stephan Müller
Chef des Chœurs
Alan Woodbridge
...

Vidéos

Trailer

Un avant-goût de Turandot

Une mise en scène immersive à en perdre la tête

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Synopsis

L'opéra Turandot expliqué en 3 minutes

Découvrez l’histoire de Turandot, résumée en quelques minutes par Christopher Park au Grand Théâtre de Genève.

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Extrait

Liù! Liù! Sorgi! Sorgi!

Liang Li interprète « Liù! Liù! Sorgi! Sorgi! » de l'opéra Turandot de Puccini au Grand Théâtre de Genève.

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Extrait

Signore, ascolta!

Francesca Dotto interprète « Signore, ascolta! » de l'opéra Turandot de Puccini au Grand Théâtre de Genève.

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En coulisses

Dans les coulisses de Turandot

Kimie Nakano (Costumes), Adam Booth (teamLab), Antonino Fogliani (Direction musicale) and Daniel Kramer (Mise en scène) présentent leur travail sur la nouvelle production de Turandot au Grand Théâtre de Genève.

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L'histoire

ACTE I

Turandot, la fille de l’Empereur, a décrété qu’elle n’épouserait qu’un prétendant qui résoudrait  trois énigmes. Si le prétendant échoue, qu’il perde la tête ! Le Prince de Perse vient d’échouer ; la cour le prépare pour le sacrifice ; les gladiateurs ameutent la foule ; la foule hurle au sang. Un vieil aveugle est piétiné dans leur hystérie. Sa fidèle gardienne, Liù, implore de l’aide. Un jeune homme, Calaf, bondit vers le vieillard, pour reconnaître en lui Timur, son père perdu depuis longtemps — et exilé. L’événement principal a lieu : Turandot descend et décapite son prétendant malheureux. Le premier regard de Calaf sur Turandot le magnétise : il doit  la posséder. Lorsque le spectacle se termine et  que la foule se dissipe, Timur et Liù tentent de convaincre Calaf de fuir avec eux. Mais Calaf est fou amoureux de l’idée de Turandot. Personne ne l’arrêtera. Les trois ministres de Turandot, Ping, Pang et Pong, les trois eunuques qui dirigent ce spectacle d’énigmes et de jeux de sang qui dure depuis trop longtemps, tentent de dissuader Calaf de poursuivre Turandot. Mais leurs injonctions ne font que renforcer la volonté de Calaf de gagner.

ACTE II

Ping, Pang et Pong partagent un pique-nique en dehors des heures de service. Ils boivent beaucoup et se lamentent sur leur asservissement  à la sanguinaire Turandot ; ils se lamentent sur  les vies qu’ils auraient pu avoir connues dans un autre doux pays de rêve. Seront-ils jamais libres ? Les trompettes sonnent : le devoir les rappelle pour exhiber Calaf comme le prochain prétendant des Jeux de l’énigme de Turandot. La foule se masse, affamée d’un autre spectacle de gladiateurs et de sang. Les pouvoirs en exercice entrent en procession solennelle devant l’Empereur. Lui aussi souhaite que les rivières de sang que fait couler  sa fille prennent fin. L’épouse-trophée bardée d’or, Turandot, fait son entrée. Elle raconte au prétendant la volonté de son cœur insensible de mettre fin à la lignée de traumatismes infligés par les hommes à ses ancêtres féminines — abus mental et physique, viol et meurtre. Aucun homme ne possèdera Turandot comme cela. Miraculeusement, Calaf résout la première énigme, la deuxième ... et la troisième. La foule est en délire, l’épouse et l’époux sont préparés en hâte pour   le mariage. Tremblante dans sa robe de mariée, Turandot supplie son père de ne pas presser ce mariage. Voyant et entendant sa douleur une fois de plus, Calaf ose un geste choquant de tendresse envers celle qui est son prix, Turandot : une énigme de son cru. « Si avant l’aube tu peux découvrir le nom que je porte, je renonce à ma vie. »

ACTE III

La ville entière passe toute la nuit à dénicher le nom de Calaf. Celui-ci reste seul à l’intérieur de l’espace rituel, déterminé à ce que l’aube lui livre Turandot. Ping, Pang et Pong offrent à Calaf n’importe quel prix en échange de son nom : des femmes, des bijoux, un sauf-conduit ; mais Calaf n’en veut pas.  Il retourne à l’autel pour recevoir la réponse de Turandot à son énigme, mais au lieu d’elle, il y voit Timur et Liù faits prisonniers. Turandot croit que la torture révélera la vérité qu’elle cherche. Au lieu de cela, Liù choisit de s’ôter la vie. Timur fait de même. Turandot est ébranlée par la profondeur de l’amour de Liù pour Calaf, et par sa propre cruauté qui a provoqué la mort d’une femme innocente — exactement comme font les hommes qu’elle déteste. Calaf reproche à Turandot de toujours tenter d’éviter son destin d’épouse et l’entraîne dans un dernier voyage inattendu. Dans un acte  de tendresse et de compréhension sublime, Calaf offre à Turandot le sacrifice métaphorique qu’elle avait besoin de voir de la part d’un homme pour ouvrir son cœur. Turandot et Calaf s’étreignent. L’Empereur est enfin libre de mourir — le nouvel Empereur et la nouvelle Impératrice paraissent devant leur peuple.

EN PROFONDEUR

Quatre questions pour le metteur en scène Daniel Kramer

Turandot est un fabuleux monstre mythique. Quel est votre point de vue sur cet opéra énigmatique ?

Nous accédons à l’intrigue principale de l’opéra par l’intermédiaire de Calaf; d’une certaine façon, l’opéra pourrait s’appeler Calaf. Bien que« l’objet » de son désir soit Turandot. Pour moi, la première question était donc la suivante: quel voyage Calaf entreprend-il en rencontrant Turandot — pourquoi a-t-il besoin intérieurement de ce voyage, et où, dans le monde moderne, voyons-nous autrui avoir également besoin de ce voyage ?

Nous rencontrons d’abord le jeune Calaf « perdu dans la foule » de personnes venues voir un autre homme essayer de gagner — et de perdre — Turandot pour épouse. La punition pour avoir perdu dans ce monde: « Qu’on lui coupe la tête ! » Mais en voyant Turandot pour la première fois, Calaf devient  obsédé comme on devient obsédé par une déesse. Il « perd la tête» en la voyant : sa musique est ivre, sauvage, illogique, incendiaire : il l’aura ou il y laissera sa peau. Calaf, comme Tristan de Wagner, projette son besoin de la Divinité féminine  sur Turandot. Et n’en déplaise à qui essaie de le dissuader, il est déterminé à boire à ce puits sacré — même si le prix à payer est la mort.
 

Turandot accomplit un « rituel de l’ombre » en décapitant les hommes qui ne peuvent pas résoudre son énigme-mystère. Quel est le lien entre Puccini et ce thème? 

En 1924, lorsque Puccini composait cet opéra, la société italienne autour de lui voyait les femmes accéder à de nombreuses nouvelles professions après la Première Guerre mondiale. Cette promotion a effrayé de nombreux hommes, et même Puccini lui-même si l’on en croit certaines de ses lettres. Consciemment ou inconsciemment, je crois que Puccini explorait sa propre attirance magnétique — la peur de voir le féminin puissant, entièrement créatif et entièrement dévorant, dans sa vie : les jeunes femmes en particulier.

La musique effleure si souvent le divin, peut-être mieux que toute autre forme d’art. Dans sa partition, comme dans sa vie, il y a une adoration, une passion et un romantisme si clairs à l’égard des femmes. Mais pas toujours dans le sens positif du terme: plus que dans n’importe quel autre de ses opéras, le rôle féminin principal exprime aussi une douleur criarde, l’ombre, une émotion écrasante qui noie tout en sa présence — et nous ne pouvons pas ignorer qu’il a écrit une scène où une femme innocente, Liù, est torturée pendant quatorze minutes sur scène.

Je laisserai les psychanalystes déballer la complexité de cette situation au sein de la psyché personnelle de Puccini. Mais tout l’opéra semble être une purge musicale de ses derniers sentiments vraiment complexes à l’égard des femmes : leur proximité avec la Sainte Vierge elle-même, leurs flots d’émotions qui menacent de noyer les hommes, leur sortilège, leur vulnérabilité, leur pouvoir, et même la haine qu’il éprouve à leur égard, qui n’a d’égal que son désir sexuel pour elles.
 

La foule de Pékin est un organisme ambivalent. Comment voyez-vous le rôle du chœur dans cet opéra ?

La société que nous mettons en scène est essentielle pour accentuer l’histoire du pouvoir féminin de Turandot sur l’homme, ainsi que la peur de Calaf d’être sans valeur aux yeux des femmes et du pouvoir. L’opéra s’inspire directement du Colisée romain, selon le modèle gladiateur-spectateur. Comme dans les stades modernes, la foule veut du sport, des combats, des enjeux, du sang, du sexe et de la mort : des gagnants et des perdants. La foule reflète nos impulsions modernes d’usagers d’applis de médias sociaux : divertissement et distraction de nos vies (surchargées de travail, sous-payées, compliquées), des hommes et des gouvernements corrompus. Quand Turandot pose ses énigmes aux prétendants, décapite les perdants et épouse le gagnant, c’est presque comme un jeu télévisé mensuel pour la foule.

C’est le même système que nous utilisons aujourd’hui pour anesthésier et sublimer la populace, la remettre à la place que ses dirigeants ont déterminé pour elle : à faire fonctionner les machines qui canalisent les gros dollars vers les 1% qui profitent des os, du sang, de la sueur et de la stupidité des familles ordinaires — en leur donnant l’illusion que leurs vies comptent.
 

À Genève, nous avons choisi de terminer l’opéra avec le final de Berio de l’œuvre inachevée du Puccini. Que découvrez-vous dans la relation entre Puccini et Berio ?

Mon choix de Berio est une réponse directe contre la version bombastique d’Alfano (1926) — qui sent plus la sentimentalité Disneyque la prise de règne de Calaf sur un pied d’égalité avec la puissance de Turandot. Judicieusement, au lieu d’essayer d’« être» Puccini ou de « plaire commercialement », Berio nous donne beaucoup plus d’espace, littéralement plus de musique instrumentale. Si Alfano a tendance à se tromper et à en faire trop pour les masses du Colisée, habituées à être nourries de fourrage sentimental de qualité inférieure et de happy endings, Berio a essayé de creuser plus profondément la vérité à l’intérieur d’une femme blessée et abusée qui se laisse toucher par un homme doux et gentil. Les textures plus sombres et dangereuses de Berio incarnent deux âmes qui semblent avoir changé à un niveau spirituel et philosophique. Sa musique nous emmène dans un nouvel espace, et surtout dans un nouveau temps : le règne de Turandot arrive en fin.  

Cela fait maintenant des milliers d’années que nous attendons l’ère du Verseau. Et nous voici en 2022, où nous sommes témoins du patriarche mâle désespérément désolant qui se déchaîne avec presque plus de peur, d’avidité et de violence que jamais — pour protéger son royaume de la création ardente.Trump. Poutine. Bolsonaro. Xi. Il n’est pas étonnant que la dépression soit une pandémie mondiale. Ce complexe d’infériorité masculin sera-t-il un jour vraiment libéré?  Calaf nous donne de l’espoir.
 

Adapté d’un entretien avec Daniel Kramer par Stephan Müller