À la française!

L’Opéra français est né au XVIIème siècle, à l’âge d’or du Théâtre Français : Corneille, Molière et Racine. La valeur ajoutée de l’opéra était alors la musique, la danse et surtout, le spectacle.  

Ce somptueux divertissement tournait autour de la Cour du Roi Soleil, Louis XIV, à Paris et à Versailles. Louis XIV nomma comme compositeur de la chambre et "maître à danser" un certain Jean-Baptiste Lully, alors âgé de 21 ans. Bien que né en Italie, Lully avait déménagé à Paris à l'âge de quatorze ans. Lully, nommé ultérieurement surintendant de la musique royale, bénéficia d'une situation de monopole et fonda, en 1672, l’Académie royale de musique, devenue aujourd’hui l’Opéra de Paris. Lully inventa également la forme en 5 actes de la tragédie lyrique. Entre 1674 et 1686, il composa une douzaine d’opéras, dont Thésée, Atys, Bellérophon (sur un livret de Corneille) et Armide.  Son librettiste de prédilection était Philippe Quinault. Lully attachait une importance particulière à donner une place égale au texte et à la musique. Des musiciens contemporains tels que William Christie, Emmanuelle Haïm, Marc Minkowski et Christophe Rousset ont entraîné un regain de succès des opéras de Lully. 

Lully meurt de la gangrène, à la suite d’une malencontreuse blessure qu’il s’est faite au pied avec sa canne de chef d’orchestre. Pour pouvoir continuer à danser, il refusa de se faire amputer la jambe, si bien que la gangrène se propagea dans tout son corps et même dans son cerveau.

Le successeur de Lully fut Jean-Philippe Rameau. Rameau n’avait pas encore 50 ans que son premier opéra Hippolyte et Aricie époustoufla le public avec son traitement dramatique de l’histoire de Thésée et de Phèdre. Malgré l’opposition de Lullistes plus conservateurs pendant 30 ans entre 1733 et 1763, Rameau composa une série de tragédies lyriques et d’opéras-ballets qui caractérisent la période baroque. Parmi ces œuvres, citons Les Indes galantes, Castor et Pollux, Dardanus, Platée, Zoroastre, ou encore Les Boréades, qui avait uniquement été joué en répétition à la mort de Rameau (mais jamais en public). Rameau s’inscrit dans la lignée de Lully en ce qui concerne le respect du texte, en collaborant avec des écrivains comme Voltaire, ou de façon plus régulière, avec Louis de Cahusac. Rameau se distingue toutefois en proposant des couleurs orchestrales et une variété rythmique plus sophistiquées, ainsi que des formes musicales imprégnées de l’esprit de la danse.

Rameau est né à Dijon, le septième d’une famille de onze enfants.  Il a appris la musique avant même de savoir lire ou écrire.  Toute sa vie durant, il resta un orateur maladroit et ne réussit jamais à écrire tout à fait correctement.  Jusqu’à ses 40 ans, il composa pour l’Eglise et le clavier.  La musique était son obsession.  Il a affirmé: « J’essaie de dissimuler l’art avec l’art. »

Vers la fin du XVIIIème siècle, la bataille pour la préséance dans l’Opéra Français a été remportée par le bavarois Christoph Willibald Gluck.  Il a transformé l'opéra avec sa célèbre « réforme » visant à remplacer l’ornement baroque par une « belle simplicité ». C’est le cas notamment dans Iphigénie en Aulide ; dans la version française d’Orfeo ed Euridice (Paris, 1774) où le rôle d’Orphée est réécrit pour un contre-tenor. C’est également le cas dans les opéras Alceste, Armide et Iphigénie en Tauride.

La domination politique et économique de la France pendant la majeure partie du XIXème siècle fit de Paris une « plaque tournante », attirant des artistes de l’Europe toute entière. Les « années Napoléon » voient l’émergence de compositeurs italiens tels que Luigi Cherubini (plus connu pour son Medée) ou encore Gaspare Spontini, (La vestale).  Au premier rang des compositeurs français, Etienne Méhul, le premier compositeur à porter le titre de « romantique ».  Plus tard, les compositeurs italiens de premier plan ont été attirés à Paris par le défi et les récompenses que laissait présager l’opéra Français.

La muette de Portici de Daniel-François Auber, créé en 1828, est considéré comme le premier « grand opéra ». Il met en scène l’histoire de la révolution napolitaine qui a abouti à l’éruption du Vésuve. Il est célèbre pour avoir déclenché la révolution belge lorsqu’il a été joué à Bruxelles en 1830.  C’est aussi le premier texte pour l’Opéra de Paris d’Eugène Scribe, à qui on attribue la paternité de l’opéra en cinq actes, tel qu’il sera joué au cours des 35 années suivantes.  Il a également écrit le livret de La Juive de Fromental Halévy, créé en 1835. Son principal « client » était toutefois Giacomo Meyerbeer,  né en Allemagne mais séduit par l’Italie où il connut ses premiers succès dont on connaît parmi les plus illustres : Robert le diable, Les Huguenots, Le prophète et L’africaine

Wagner, peut-être influencé par l’accueil critique réservé à son Tannhäuser à l’Opéra de Paris a rabaissé les opéras de Meyerbeer/Scribe. Selon lui, ils consistaient en des « effets sans causes »

Il est ironique de constater que les deux plus prestigieux des « grands opéras » ont été composés par des italiens pour l’Opéra de Paris, à chaque « extrémité » de la période (de la fin des années 1820 jusqu’aux alentours de 1870) : Guillaume Tell de Rossini (1829) et Don Carlos de Verdi (1867). De façon plus répréhensible, le meilleur de tous les « grands opéras » français en 5 actes, Les Troyens d’Hector Berlioz, a été rejeté par l’Opéra de Paris durant sa vie. Berlioz est considéré comme le plus imaginatif des compositeurs Français du XIXème siècle. Et pourtant, Benvenuto Cellini, son œuvre extravagante, a rencontré un accueil hostile en 1837.  Sa « symphonie dramatique » Roméo et Juliette a été donnée en concert ; sa « légende dramatique » de la Damnation de Faust à l’Opéra-Comique ; et son dernier opéra-comique Béatrice et Bénédict à Baden-Baden. 

Les derniers mots de Berlioz avant sa mort en 1869 auraient été : « Enfin, on va jouer ma musique. » 

Le parfait antidote au « grand opéra » a été l’opérette, qui s’est développée à partir de 1860 environ. L’un des plus grands partisans de l’opérette fut Jacques Offenbach, juif allemand qui parvint à incarner et à ridiculiser l’esprit insouciant de Paris sous le Second Empire. On retient les œuvres suivantes parmi ses nombreuses créations : Orphée aux Enfers, La Belle Hélène, Barbe-bleue, La vie Parisienne, La Périchole, Fantasio et Les contes d’HoffmannL’étoile d’Emmanuel Chabrier est un autre opéra-bouffe de la fin de cette période, dans un style tout à fait truculent. L’héritier le plus direct d’Offenbach et Chabrier est André Messager.

La seconde moitié du XIXème siècle a été l’« âge d’argent » de l’Opéra Français. Parmi les principaux compositeurs et « artisans » de cette période, citons Charles Gounod (Faust, Mireille, Roméo et Juliette) ; Ambroise Thomas (Mignon, Hamlet) ; Camille Saint-Saëns (Le timbre d’argent, Samson et Dalila) ; et surtout Jules Massenet (Manon, Werther, Thaïs, Cendrillon).

Un compositeur se distingue des autres dans cette période : Georges Bizet. Son chef-d'œuvre Carmen a été créé à l’Opéra-Comique deux mois avant sa mort en 1875, alors qu’il était âgé de 36 ans, si bien qu’il ne sut jamais que Carmen allait devenir l’emblème d’un nouveau réalisme et l'un des opéras les plus aimés d’entre tous. 

Nietzsche, formulant une critique favorable de Carmen avec Wagner
 « Cela est riche.  Précis.  Le travail s’étoffe, s’organise et se termine » 

À travers l’impressionnisme, le pointillisme et un rejet du passé immédiat, le XXème siècle a amené de nouvelles perspectives, tant à la musique Française qu’à d’autres formes artistiques.  L’Opéra, bien qu’important en soi, n'est qu’une partie de cette création. Les compositeurs les plus emblématiques de l’Opéra au XXème siècle sont : Claude Debussy avec le révolutionnaire Pelléas et Mélisande ; et Maurice Ravel, avec deux courts opéras, L’heure espagnole (délicatement érotique) et L’enfant et les sortilèges (fantaisie pour enfants). On retient, parmi les œuvres notables du répertoire lyrique contemporain : Pénélope de Gabriel Fauré, ainsi qu’Ariane et Barbe-bleue de Paul Dukas.

À partir de la seconde moitié du XXème siècle, les deux opéras Français les plus retentissants se sont avérés être Le dialogue des Carmélites de Francis Poulenc et Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen. Les deux sont des spectacles de grande envergure qui reflètent les valeurs du passé à travers des moyens modernes.