La Reine des Neiges
Première histoire : Le Miroir et les Éclats de Verre
Dans une sombre caverne vivait un méchant troll. Il était l’un des pires, c’était le Diable en personne ! Tous les jeunes trolls allaient à son école de troll. Mais un jour, deux jeunes trolls découvrirent une pancarte sur la grande porte de la caverne : « Pas d’école de troll aujourd’hui. Travail important en cours. Ne pas déranger ! ». L’école fut fermée pendant des semaines. Ils en étaient cois : « Aujourd’hui était hier et aussi demain, il n’y avait pas d’école non plus ! Comme avant-hier et hier, il n’y avait pas d’école de troll non plus !! »
Sur quoi pouvait bien travailler le Maître Troll ? Discrètement, les jeunes curieux pénétrèrent dans la cave et virent le Troll diabolique marteler et planifier, pousser et gratter, polir, souder et transpirer. Quand il les remarqua, il cria « Que faites-vous ici-bas ? Allez, derrière votre banc ! »
Les jeunes trolls se dépêchèrent de trouver leur place et écoutèrent leur professeur qui leur dit: « Allons, commençons maintenant. Et plus tard vous serez plus intelligents qu’auparavant. Parce que j’ai forgé ce miroir, qui enseigne et vous montre le monde tel qu’il est vraiment – une triste farce ! »
Le Troll diabolique était vraiment de bonne humeur, car il avait créé un miroir qui dans sa réflexion réduisait tout ce qu’il y avait de bon et beau en néant, et tout ce qui était mauvais en devenait pire.
Les plus charmants paysages y ressemblaient à des épinards bouillis, la plus belle musique à des croassements terribles. Si une pensée pieuse passait par la tête de quelqu'un, une grimace apparaissait dans le miroir.
« Levez mon miroir face au monde ! » ordonna le Troll diabolique à ses élèves, « d’ouest en est, du sud au nord lointain, au pays de la neige éternelle, volez haut et portez-le au ciel jusqu’à ce que l’Univers soit reflété dans le miroir, et même la pensée la plus pure sera défigurée en grimace, et secouera le monde à son plus profond, riant de lui. »
Troll maladroit et Troll imbécile se mirent en route avec le grand miroir. Mais il n’était pas facile de transporter le lourd miroir ! Et soudain le miroir se mit à trembler, et ricana si violemment, qu’il leur échappa et s’écrasa au sol en mille, millions et milliards de morceaux.
Cela causa encore plus de misère que ne l’aurait causé le miroir à lui seul, alors entier : certains éclats avaient à peine la taille d’un grain de sable, et volèrent tout autour du monde. Chaque fois qu’un grain s'introduisait dans l’œil de quelqu’un, cette personne voyait tout de travers ou ne cherchait plus que le mal, car chaque fragment détenait le pouvoir du miroir. Certaines personnes ont même eu un grain dans le cœur, et c’était terrible – leur cœur devenait comme un glaçon.
Les deux jeunes trolls tombèrent à terre avec le miroir et atterrirent au pied du château de la Reine des Neiges.Et que se passa-t-il alors ? Nous allons le découvrir !
Deuxième histoire : Un petit garçon et une petite fille
Dans une grande ville vivaient deux enfants, un garçon et une fille. Il s’appelait Kay et elle s’appelait Gerda. Leurs parents vivaient proches l’un de l’autre, dans des greniers voisins. À leurs fenêtres, leurs parents avaient disposé chacun une grande boîte en bois dans lesquelles poussaient des roses magnifiques. En été, quand le soleil brillait et que les roses s'épanouissaient, les enfants pouvaient se retrouver en un grand pas. En hiver, ils devaient d'abord descendre de nombreux escaliers et ensuite en monter encore. Dehors, de la neige tourbillonnait. À cet endroit, ils retrouvaient grand-mère. Un jour de pluie, Gerda dit à grand-mère : « Grand-mère, je pense qu’il neige ! » et grand-mère répondit: « L’été ? Non Gerda, les abeilles blanches ne fourmillent pas encore ; c’est juste un blizzard, une tempête de grêle, ce sera bientôt fini. »
Kay dit : « Comme les abeilles blanches, les flocons de neige volent en hiver – mais ils n’ont pas de reine. »
« Mais bien sûr qu’ils en ont une » dit la grand-mère. « En hiver, quand la neige est la plus épaisse, elle vole, le plus large flocon de tous, des montagnes jusqu'aux rues de la ville. Parfois, elle regarde par les fenêtres, et celles-ci gèlent étrangement, comme si des fleurs glacées étaient peintes dessus. »
Kay devint provocant : « Qu’elle entre donc, et je la mettrai sur la cuisinière chaude, et je serai heureux de voir comment elle fond. »
Et quand la tempête fut terminée, Kay et Gerda se promenèrent à nouveau joyeusement sur leur petit jardin sur le toit. Pas une rose n’était abîmée par la grêle et ils chantèrent leur chanson préférée sur le secret des belles roses :
Dans un jardin lointain
des roses rares t’attendent.
Au plus beau de leur floraison
elles te gardent un secret.
Tu ne peux pas le voir
Tu ne peux pas l’entendre
Tu peux juste le sentir dans ton cœur.
Si tu veux le connaître
Tu dois le lâcher
Mais si tu le laisses entrer dans ton cœur
Il te mènera à travers la vie.
Quand verrai-je les roses lointaines ?
Quand leur secret me viendra-t-il ?
Soudain Kay sentit quelque chose dans ses yeux, puis sentit comme un poignard dans le cœur. Cela brûlait et mordait comme du feu et de la glace. Gerda fut surprise et essaya de l’aider, mais Kay repoussa son amie : « Ne me touche pas ! Tu joues à quoi ? ».
Gerda commença à pleurer « Mais Kay, que t’arrive-t-il ? »
« Je vais bien » répondit Kay, « ça suffit ! Toi, et tes stupides roses ! » Il se moqua des belles roses : elles lui paraissaient maintenant cornues et fanées comme un buisson repoussant qui n’est fait que d’épines.
« Comme tu es laide quand tu pleures ! » dit-il à Gerda, avant d’arracher une rose et de s’en aller.
Gerda courut chez sa grand-mère, et pendant que celle-ci la réconfortait dans ses bras, une tempête d’automne se leva. Jour après jour, semaine après semaine, le petit Kay changea peu à peu. Une petite écharde du miroir magique avait pénétré son cœur qui devenait de plus en plus comme de la glace. Une fois l’hiver venu, Kay ne voulait plus jouer avec la petite Gerda.
Entre temps, Troll maladroit et Troll imbécile, qui avaient laissé tomber le miroir magique du Troll diabolique, avaient rencontré la fameuse Reine des Neiges. Puisqu'ils avaient pénétré son royaume sans y être invités, ils étaient sous ses ordres. « Trouvez le garçon qui voulait me mettre dans la cuisinière » leur ordonna la Reine des Neiges. Ils se mirent en route pour trouver Kay. Quand ils le trouvèrent, ils remarquèrent que Kay ignorait la grand-mère de Gerda, ses délicieuses étoiles à la cannelle et ses beaux contes de fée. Il était bien plus intéressé par l’esthétique et la perfection des flocons de neige qu’il admirait avec une loupe.
Un après-midi d’hiver, les jeunes trolls se transformèrent en enfants normaux. Et dans un grand parc, au milieu des cris joyeux d’enfants jouant avec leur traîneau dans la neige, ils interpellèrent Kay. Il prit son traîneau et suivit les trolls dans la neige. Là, ils découvrirent un traîneau bien plus grand et majestueux, peint entièrement en blanc, qui glissait rapidement autour du parc. Les trolls défièrent Kay d’attacher son petit traîneau au grand. Ils se moquèrent de lui – il était trop petit, et le beau traîneau était trop rapide pour lui. Quand au troisième essai Key réussit enfin à attacher son traîneau au grand, il glissait déjà à vive allure. Kay était terrifié et leur demanda d’arrêter. Après quelques temps, ils ralentirent et Kay vit la magnifique Reine des Neiges.
Elle le prit dans son grand traîneau, le réchauffa sous son manteau et l’embrassa sur le front. Oh ! Il était plus froid que la glace. Le froid lui alla droit au cœur, qui de toute façon était déjà à moitié un glaçon. La Reine des Neiges embrassa à nouveau Kay et dit :
Tout ce qui était passe avec ce baiser.
Le froid circule et ton esprit s’engourdit.
Le cercle de pensées bat fortement
Et se ferme autour de ton cœur
Alors qu’il devient de glace.
Et c’est ainsi que Kay oublia Gerda, sa grand-mère et tout le monde à la maison. Le traîneau vola au-dessus des forêts et des lacs, par-dessus les terres et les mers, et le vent froid soufflait sous leurs pieds. Un puzzle l’attendait au Palais de Glace, où il aurait pour mission d’aider la Reine des Neiges. Kay s’en réjouissait, parce qu’il aimait le calcul et la géographie.
Troisième histoire : Le jardin de fleurs de la magicienne
Mais comment se portait la petite Gerda en l’absence de Kay ? Enfin le printemps arriva, et Gerda était très inquiète pour son camarade. Les gens disaient qu’il devait être mort ; qu’il s’était noyé dans la rivière, près d’où l’on avait retrouvé son traîneau.
Gerda alla alors à la rivière et monta dans un bateau pour chercher son Kay. Elle descendit rapidement la rivière.
Les deux jeunes trolls qui avaient attiré Kay dans le traîneau de la Reine des Neiges la virent et la suivirent le long de la berge, car la Reine des Neiges leur avait bien dit que Gerda ne pouvait pas retrouver son ami.
Gerda arriva à un beau jardin, sortit de son bateau et rentra. Les deux trolls se transformèrent en soldats de bois et gardèrent l’entrée. Une vieille dame sortit, appuyée sur une canne et portant un grand chapeau de paille, décoré des plus belles fleurs. Elle accueillit gentiment Gerda et l’invita dans son jardin.
Là, Gerda s'enquit de son meilleur ami, parla de ses roses préférées sur son toit à la maison ; et elle raconta comment Kay s'est soudainement mis en colère, a détruit les belles roses et ne voulait plus jouer avec elle. Alors la vieille femme prit sa canne, qui pouvait faire de la magie, et tendit sa béquille vers tous les rosiers, si beaux qu'ils fussent; et ils se sont immédiatement enfoncés dans la terre sombre, de sorte que personne ne pouvait dire où ils se trouvaient autrefois.
Elle réconforta Gerda, la pris sur ses genoux, peigna ses cheveux avec un peigne magique et chanta : « Beaucoup de choses étaient, et beaucoup de choses ne seront pas, beaucoup de choses ont déjà perdu leur chemin. Des cheveux ont été attachés, mais le peigne les a libérés ! Ce qu’il en sera, on le verra, mais pour le moment tu restes ici avec moi ! »
Elle n’était pas une méchante sorcière, elle ne faisait de la magie que pour son propre plaisir, et elle voulait maintenant garder la petite Gerda. Et quand la femme aux fleurs peignait ses cheveux, Gerda oublia son Kay et ne voulait plus partir à sa recherche. Elle alla se promener dans le jardin fleuri et s’amusa des couleurs vives et des odeurs splendides des fleurs.
Gerda entendit le mimosa jaune chanter :
Ne nous touchez pas
Au fond de nous,
Il y a une princesse délicate
Son sommeil est dérangé
Car le petit pois pousse
Et le prince s’obstine
À vouloir l’épouser.
Comme il est bon de se sentir si tendre !
Gerda trouva cela étrange et demanda au sureau robuste : « As-tu aussi quelque chose à raconter ? »
Et le sureau commença à chanter :
Dans la Chine, ce pays lointain,
Le rossignol chanta si joliment.
L’empereur lui demanda de venir
Et écouta ses ballades,
Un artiste en fit une copie mécanique.
Il chanta toujours la même ballade,
Et l’empereur l’aimait encore plus.
Et quand l’empereur gît mourant,
Le chant du vrai rossignol le ramena à la vie.
Gerda alla alors aux perce-neiges et demanda leur histoire :
Un soir d’hiver,
Une allumette fut allumée.
Une jeune fille voulait se réchauffer.
Elle était très pauvre, comme c’est triste.
Elle ne se réchauffa pas, et resta froide,
Et utilisa une à une chaque allumette.
Mais alors que la dernière se consommait,
Sa grand-mère apparut à la lumière dorée
Elle l’aimait très fort et lui tendit la main.
Elle la guide hors du désespoir,
La fille embrasse la neige et meurt.
Ceci rendit Gerda terriblement triste. Elle se souvint de sa grand-mère et commença à pleurer de tout son cœur ; et quand ses larmes touchèrent la terre, un rosier jaillit du sol ; et quand elle entendit les roses chanter, elle se rappela de son ami Kay.
Elle courut vite à la porte du jardin pour sortir, mais les deux trolls, toujours déguisés en soldats de bois, bloquèrent son chemin. Gerda cria : « Vous ne pouvez pas me faire de mal ! Vous n’êtes fait que de bois creux ! » Et elle les passa et rejoignit le monde aussi vite qu’elle put.
C’était l’automne. Elle ne l’avait pas remarqué dans le jardin magique.
Quatrième histoire : Le prince et la princesse
Le monde est devenu gris et froid, et Gerda a dû se reposer car ses pieds lui faisaient mal. Un corbeau vint s’asseoir près d’elle et elle lui demanda s’il avait vu son ami Kay.
Le corbeau répondit : « Oui, oui, oui ! / Oui, oui, oui, oui ! Il est avec la princesse. »
« Quelle princesse ? » demanda Gerda, confuse. Et là, le sage corbeau lui raconta comment une princesse très intelligente voulait un homme, et comment des milliers d’hommes vinrent à elle. Mais aucun n’était assez bon, jusqu’à ce qu’elle trouve quelqu’un qui puisse multiplier et diviser aussi bien qu’elle, et qui était aussi drôle, et même végan. Et la princesse l’épousa. Quand Gerda entendit ceci, elle voulut partir directement, car cela pouvait être Kay. Mais le corbeau vit la fatigue de la fille et lui dit de d’abord se reposer et de partir en quête de Kay le lendemain matin. Gerda se trouvait aussi fatiguée, se coucha et s’endormit.
Dans son rêve, elle vit le palais blanc-neige étincelant de la Reine des Neiges. Tout était vide et glacé et illuminé par les lumières nordiques. Kay était là ; il avait tellement froid qu’il était devenu bleu mais ne s’en rendait pas compte, car la Reine des Neiges l’avait insensibilisé par son baiser.
Et maintenant, la Reine des Neiges se tenait devant lui et déclama son énigme :
« Nous voici dans le miroir de l’esprit. Ses éclats de glace sont porteurs de sens. Mais l’un forme un mot particulier, le plus grand et important de tous, et ne veut pas être exprimé. Kay, mon Kay, tu sembles plus futé que les autres garçons. Ton regard est aussi clair qu’un flocon de neige. Ton esprit aussi froid que ton cœur. Peux-tu me trouver le mot ? Alors, tu seras ton propre maître, et je te donnerai le monde entier, mon Kay. Et une nouvelle paire de patins ! » Gerda vit alors la Reine des Neiges s’approcher de son Kay et lui murmurer quelque chose à l’oreille ; c’est alors que Gerda se réveilla de son cauchemar.
Elle s’encourut vers le château de la princesse avec le corbeau. Par un escalier secret, ils entrent dans la chambre de la princesse et son mari. Au milieu trônait un grand lit jaune couvert de nombreux coussins. D’un côté se trouvait la princesse, et de l’autre, la petite Gerda vit une tête blonde sur un grand coussin. « Kay ! » s’exclama-t-elle.
Mais ce n’était pas Kay : c’était un jeune prince, et elle pleura amèrement, racontant à la princesse et au prince son triste récit. Gerda leur raconta son rêve, où Kay se trouvaient avec la Reine des Neiges. Le prince et la princesse prirent pitié de la petite fille et lui offrirent un carrosse doré, des chevaux et deux cochers pour la conduire, et ils lui donnèrent de magnifiques nouveaux habits et un manchon doux et chaud, car il faisait froid au grand nord. Le prince et la princesse souhaitèrent bonne chance à Gerda, et la petite fille fut emmenée par le carrosse à toute allure.
Cinquième histoire : La Fille bandit
Le carrosse doré avançait à folle allure sur les chemins rocailleux. Gerda regarda par la fenêtre, cherchant les mmontagnes nues dont le corbeau avait parlé sur leur route vers le nord, mais elle ne voyait qu’une forêt épaisse de sapins sombres. Elle entendit alors ses deux cochers rire bruyamment ; ils n’étaient pas des cochers normaux, mais les deux jeunes trolls qui avaient suivi Gerda au palais de la princesse. Ils s’étaient déguisés en cochers et avaient enlevé le carrosse de Gerda car la Reine des Neiges leur avait ordonné de ne jamais laisser Gerda retrouver Kay.
En sortant sa tête du carrosse, Gerda les reconnus : « Je vous connais ! Vous étiez chez la dame aux fleurs… et aussi avec Kay il y a longtemps ! Arrêtez ! Immédiatement ! » cria-t-elle. Gerda prit peur lorsque les deux trolls ne l’écoutèrent pas et partirent encore plus vite à travers la forêt. Ils rirent et rirent et rirent encore, puis s’écrièrent « Halte ! ». Le carrosse fut si secoué que Gerda en tomba presque, car un arbre leur barrait le passage.
Pan ! Pan ! Soudain deux coups de fusil retentirent, et les deux trolls se jetèrent du carrosse pour se cacher dans la forêt. Une petite fille bandit avait découvert le carrosse doré et tiré avec son fusil vers le ciel. En riant, elle monta sur le carrosse, regarda curieusement sa proie et en passant sa tête par la fenêtre remarqua : « Ah bon, il y a quelqu’un ! Sors, petite princesse, ou mon couteau aura raison de toi ! » Elle sortit un long couteau de sa ceinture et le pointa au visage de Gerda.
Tout doucement, Gerda sortit du carrosse : « Je ne suis pas une princesse, je suis Gerda ! Et je n’ai pas de temps, et je dois continuer mon chemin. » Mais la fille bandit ne voulut rien savoir. Elle lui vola son manchon chaud, reposa Gerda sur le carrosse, s’y assit et les conduisit dans son repère de bandit. En chemin à travers la forêt noire, Gerda lui expliqua le cas de Kay.
Quand ils arrivèrent au repère sombre du bandit, elle amena Gerda dans un coin avec de la paille et des tapis. Il y avait plus de cent pigeons. Ils étaient en cage et un renne était attaché à un poteau. Les animaux appartenaient tous à la Fille bandit et étaient attachés pour ne pas s’enfuir.
La petite Gerda devait aussi rester là, dormir dans le lit de la Fille bandit mais demanda : « Le couteau doit-il aussi se coucher ? »
« Mon couteau reste toujours avec moi ! On ne sait jamais ce qui peut arriver ! Si ton Kay avait eu un couteau, il aurait pu se libérer des traîneaux ! Ou encore mieux : il aurait pu poignarder le cocher ! Maintenant ferme tes yeux. » La Fille bandit mit son bras autour de Gerda, tint son couteau dans l’autre main et dormit pour montrer l'exemple ; mais Gerda ne se reposa pas même cinq minutes, ne sachant pas si elle allait vivre ou mourir.
Les pigeons de la forêt roucoulèrent « Roo ! Roo ! Gerda ! Gerda ! Nous avons vu Kay ! La Reine des Neiges s'est adressée à lui par son nom et semblaient bien s’entendre. Nous avons volé au-dessus leur traîneau ! »
Gerda était heureuse et demanda interressée : « Savez-vous où elle l’a emmené ? »
Le renne interrompit : « Pourquoi le demandes-tu aux pigeons ? Demande-le moi ! Elle est partie en Laponie, parce que c’est comme ça. Il y a toujours de la glace et de la neige blanche en Laponie. »
« Il est maintenant temps de se reposer », se fâcha la Fille bandit. « Si tu ne dors pas maintenant, tu dormiras pour toujours ! »
Gerda se redressa brusquement et arracha le couteau de la main de la Fille bandit. « Je dois continuer mon chemin ! Les pigeons ont vu Kay, il était dans le traîneau de la Reine des Neiges ; ton renne dit qu’ils sont en Laponie ! »
« Je dois me mettre en route ! » expliquait-elle à la Fille bandit, qui était inquiète parce qu’elle n’avait plus son couteau. Gerda le déposa au sol. De mauvais cœur, la Fille bandit regarda d’abord le couteau puis Gerda. Elle saisit rapidement le couteau, le pointa vers Gerda et puis le rangea dans sa poche. Elle alla ensuite vers son renne et lui dit : « Amène Gerda en Laponie pour la Reine des Neiges et son ami Kay ! » Le renne sauta de joie et la Fille bandit porta Gerda sur son dos. Elle lui rendit son manteau et lui donna à manger ; « Mais le manchon, je le garde ! Si tu passes à nouveau par ici avec de belles choses, je t’attraperai à nouveau, je le promets ! Honneur de bandit ! Alors, cours ! Cours vers la Laponie! »
Sixième histoire : la femme finnoise Sami
Ils s’arrêtèrent à hauteur d'une petite maison, si petite ! Le toit descendait jusqu’au sol, et la porte était si basse que toute la famille devait se traîner à quatre pattes pour rentrer ou sortir. À l’intérieur se trouvait une vieille femme se réchauffant dans son sauna. Il y faisait si chaud que la femme elle-même était presque nue ; elle était petite et très sale. Elle déshabilla Gerda pour qu’elle n’ait pas trop chaud, mis un glaçon sur la tête du renne et leur donna à manger. La petite fille et son compagnon lui racontèrent alors leur histoire. La femme sage écouta mais ne dit rien.
« Vous êtes intelligente, vous en savez tellement. Vous avez le pouvoir de rendre Gerda aussi forte que douze hommes. Et la Reine des Neiges se pliera assurément ! » dit le renne.
La vielle dame commença alors à parler : « Il était une fois un méchant troll, Troll diabolique, qui cria un mauvais miroir ; il se trouvait génial ! Il disait que le miroir montrait au monde ce qu’il était vraiment. Mais en réalité, le miroir était juste stupide. Deux trolls fire le tour du monde avec, le brandissant haut dans le ciel. Le miroir a tremblé, ils l’ont laissé tomber et il a éclaté en des milliers et milliers de fragments ! Kay en a été touché, par de nombreux éclats. Un éclat du miroir s’est installé dans son cœur qui meurt doucement : il ne sent ni le froid, ni la fin, ni la douleur. Il a aussi un éclat dans l’œil, avec lequel il ridiculise et critique les autres. Mais c’est le baiser de la Reine des Neiges qui lui a ôté la vie. Presque tous ses sentiments sont déjà morts, son cœur est gelé… il va mourir bientôt ! »
Ceci rendit Gerda et le renne fort tristes. La vielle femme n'avait rien qui puisse aider la petite Gerda dans sa quête. « Je ne peux lui donner plus de pouvoir qu’elle ne possède déjà dans son cœur rempli d’amour » dit la Finnoise. Gerda seule avait fait son chemin pour la Reine des Neiges, et seule elle avait le pouvoir dans son cœur pour libérer son ami Kay du miroir cassé.
Elle se mit en route seule, aussi vite qu’elle le pouvait, et un régiment de flocons de neige, l'armée de la Reine et lui tombèrent dessus. Ils étaient de plus en plus grands et terribles, et avaient les formes les plus bizarres ; certains ressemblaient à de gros hérissons affreux, d’autres à des serpents entrelacés, ou encore à de gros ours ébouriffés, tous blancs étincelants, des flocons en vie. Petite Gerda chanta une chanson :
Dancez ! Dancez
Vous ne pouvez pas me faire du mal !
Vous n’êtes que neige, et toute neige
doit un jour fondre, disparaître,
devenir de l’eau et dormir.
Soufflez ! Soufflez !
Je n’ai pas peur de vous !
C’est presque l’aurore !
Quand le jour viendra, votre danse se terminera !
Le soleil se joindra à vous,
et vous vous reposerez alors sur ses rayons !
Le soleil ! Le soleil se lève !
Et alors un rayon de soleil brillant passa à travers les gros nuages neigeux et peu à peu, les flocons arrêtèrent de danser et Gerda se dépêcha vers le palais de la Reine.
Septième histoire : Au Palais de la Reine des Neiges
Les murs du palais étaient faits de neige, et les fenêtres et portes de vent glacial. Il y avait plus de cent pièces, les plus grandes longues de plusieurs kilomètres ; elles étaient toutes illuminées par les lumières vives de l’aurore boréale, et elles étaient si larges et vides, si glaciales et scintillantes ! La petite Gerda entra au palais par la gigantesque grille, passa deux colonnes de neige, qui prirent vie immédiatement. C’était Troll maladroit et Troll imbécile qui se dépêchèrent de suivre Gerda dans le palais.
Au milieu du grand hall de neige sans fin se trouvait un lac gelé, brisé à la surface en un millier de formes ; chaque pièce ressemblait à une autre, une œuvre d’art dans leur perfection, et au centre du lac trônait la Reine des Neiges quand elle était à la maison. Elle appelait le lac « Le Miroir de la Raison » et disait qu’il était le meilleur, d’ailleurs le seul et unique au monde.
Le petit Kay était bleu de froid, presque noir, mais il ne le sentait pas, car la Reine des Neiges avait fait partir ses frissons d’un baiser, et son cœur était déjà un gros glaçon. Il traînait de gros morceaux de glace pointus d’un côté à l’autre, et les plaçait ensemble dans toutes les positions possibles, comme s’il souhaitait en faire quelque chose.
Il prit les morceaux de glace et pensa ; « Tout a une fin. Comment pourrait-il y avoir quelque chose d’interminable ? Tout peut être justifié. Comment quelque chose ne peut-il avoir aucune raison ? »
Il composa de nombreuses figures, formant des mots différents, mais il y avait un mot qu’il n’arrivait jamais à former, bien qu’il le souhaite fort. C’était le mot « Eternité ». La Reine des Neiges lui avait dit « Quand tu peux trouver ceci, tu seras ton propre maître, et je te donnerai le monde entier et une paire de patins neufs. » Mais il n’y arrivait pas. Il était assis, raide ; on aurait pu le croire mort de froid.
Gerda entra dans le château et vis son Kay. Elle lui sauta au cou et cria « Kay ! Kay, tu es vivant ! Oh Kay, que t’est-t-il arrivé ? » Mais il resta immobile et froid – et Gerda pleura et chanta sa chanson des roses :
Dans un jardin lointain
des roses rares t’attendent.
Au plus beau de leur floraison
elles te gardent un secret.
Tu ne peux pas le voir
Tu ne peux pas l’entendre
Tu peux juste le sentir dans ton cœur.
Si tu veux le connaître
Tu dois le lâcher
Mais si tu le laisses entrer dans ton cœur
Il te mènera à travers la vie.
Quand verrai-je les roses lointaines ?
Quand leur secret me viendra-t-il ?
Le chant de Gerda fit chanter la glace dans son cœur et l’éclat qui y était installé se dissout. Kay éclata en sanglots et pleura tellement que l’éclat sortit de son œil. Et quand Kay fut à nouveau l’ami cher perdu de Gerda, elle voulut vite l’emporter.
Mais Kay était terrifié et dit :
« Mais Gerda, je ne peux pas. Je ne dois pas ! La Reine des Neiges m’a dit de parler. Le plus important de tous les mots ! Un mot qui comprend tout. Qui résout les problèmes les plus difficiles. Je pourrai partir seulement quand je pourrais écrire le mot « Éternité ». »
Gerda rit : « Éternité ? Mais c’est facile. Viens, je vais t’aider. » Ensemble, ils arrangèrent les morceaux de glace de la Reine des Neiges, et quand ils furent tous en place, ils entendirent la Reine arrive. Ils se prirent pas la main et sortirent du château en courant aussi vite qu’ils le pouvaient.
La Reine des Neiges arriva dans le hall. Elle découvrit les formes de glace, heureuse d’y lire le mot « Éternité ». Mais avant qu’elle ne puisse l’admirer davantage, Troll imbécile et Troll maladroit se précipitèrent pour lui annoncer l’arrivée de Gerda. Ils ne remarquèrent pas qu’il était déjà trop tard, et trébuchèrent de tout leur poids sur le puzzle résolu, et avant même de pouvoir lire le mot car ils n’avaient pas été à l’École des Trolls depuis de longs mois. Les morceaux de glace se mélangèrent et le mot fut détruit.
La Reine des Neiges se figea de colère. Elle voulut désespérément le replacer, mais n’y arriva pas.
Kay et Gerda sortirent du château, et peu importe la direction qu’ils prenaient, les vents se calmèrent et le soleil sortit. Ils marchèrent main dans la main et se réjouirent car c’était l’été, le merveilleux, chaud été !