

Eugène Onéguine

Lorsqu'un jeune poète rend visite à sa fiancée, emmenant avec lui un ami mystérieux, sa sœur introvertie tombe follement amoureuse et se voit froidement rejetée. Des années plus tard, ils se retrouvent...
Eugène Onéguine a non seulement assuré la percée de Tchaïkovski en tant que compositeur d'opéra, mais l'oeuvre a également apporté une contribution unique au théâtre musical moderne, offrant un large panorama des émotions adolescentes. La mise en scène de Barrie Kosky présente une scénographie opulente qui souligne la poésie des personnages et leur tragédie, utilisant l'immensité de l'espace naturel comme métaphore.
Distribution
Tatyana | Asmik Grigorian |
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Olga | Karolina Gumos |
Larina | Christiane Oertel |
Filippyevna | Margarita Nekrasova |
Lensky | Aleš Briscein |
Yevgeny Onegin | Günter Papendell |
Captain | Carsten Lau |
Triquet | Christoph Späth |
Zaretski | Yakov Strizhak |
Prince Gremin | Alexey Antonov |
Chœurs | Choir soloists of the Komische Oper Berlin |
Orchestre | Komische Oper Berlin Orchestra |
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Musique | Pyotr Ilyich Tchaikovsky |
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Direction musicale | Henrik Nánási |
Mise en scène | Barrie Kosky |
Décors | Rebecca Ringst |
Lumières | Franck Evin |
Costumes | Klaus Bruns |
Chef des Chœurs | David Cavelius |
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Vidéo
L'histoire
Acte I
Une journée d’été idyllique dans la province russe. On s’adonne allègrement aux joies estivales d’une réunion champêtre : au centre de la petite société de gens de la campagne réunis ce jour-là, la propriétaire terrienne, Madame Larine, discute avec sa fidèle domestique Philippievna, nourrice de ses filles Olga et Tatiana. Les deux vieilles femmes bavardent en faisant des confitures et se souviennent de leurs espérances amoureuses de jadis, de l’épreuve des déceptions. Les filles de Madame Larine fredonnent une langoureuse chanson. La joyeuse Olga aime la danse, sa soeur Tatiana, plus rêveuse et introvertie, préfère lire des romans. Entre en scène Lenski, jeune poète et fiancé d’Olga, qui vient aujourd’hui encore faire ses déclarations enflammées à sa bien-aimée. Il est accompagné d’un inconnu qu’il présente comme son ami et voisin : Eugène Onéguine.
Le soir même, le sort de Tatiana est jeté : elle est amoureuse comme elle le confie à sa nourrice Philippievna et la nuit même, elle écrit à Onéguine une lettre dans laquelle elle lui en fait l’aveu. Mais le jour suivant, Onéguine repousse froidement les avances de Tatiana.
Acte II
La famille Larine célèbre joyeusement la fête de Tatiana. On boit et on danse, le Français Triquet réjouit l’assemblée en déclamant un couplet spécialement dédié à Tatiana. Onéguine, seul à ne pas goûter ces plaisirs, se venge de son ennui en faisant la cour à Olga, la fiancé de Lenski. La dispute qui suit tourne au scandale, Lenski défie Onéguine. Le duel s’achève tragiquement : Onéguine tue son ami.
Acte III
Après des années de lointains voyages, Eugène Onéguine revient à Saint-Pétersbourg et fait son apparition au bal donné par le prince Grémine. Le prince apprend son récent mariage avec Tatiana. Seul, désemparé, amoureux, Onéguine rencontre Tatiana et la supplie de partir avec lui ! En larmes tous les deux, ils échangent leurs souvenirs d’un lointain été à la campagne. Tatiana, jadis rejetée, éconduit à son tour Onéguine : il est irrémédiablement trop tard ! Elle est mariée et le destin d’Onéguine n’est plus lié au sien …
En profondeur
Le rêve d'Onéguine
C'était en 2015, alors qu'OperaVision n'en était qu'à ses débuts, et le Komische Oper Berlin faisait ses premiers pas dans le domaine du streaming en direct. Une fois convaincu, son intendant Barrie Kosky, s'est montré audacieux et déterminé dans son engagement. Il a offert la première de sa nouvelle production d’Eugène Oneguine. Il prenait là un risque, et personne ne savait si cela allait fonctionner. Le succès triomphal de la diffusion a par la suite donné lieu à une série de premières en direct depuis la même maison d’opéra, et a fait du Komische Oper l'un des principaux partenaires du projet.
Kosky aime l'intimité rurale de la scène d'ouverture, où des femmes âgées font de la confiture. Il met en scène son Onéguine à la campagne, où l’apparente tranquillité cache un désir inquiet, comme dans les pièces de Tchekhov. La question qui sous-tend l’ensemble des personnages est la suivante : « Que se passerait-il si... ? » Ces personnages recherchent l'amour et l'épanouissement, mais le moment est toujours mal choisi.
Le point de départ de Tchaïkovski était Tatjana. Le poème original de Pouchkine la décrit comme « timide comme une sauvage, silencieuse, larmoyante / sauvage comme une biche effrayée ». C'est sa nuit d'insomnie, lorsqu'elle rédige la lettre confessant son amour pour Onéguine, qui précipite l'action tragique. Kosky prend un autre risque en présentant Tatjana dos au public pour le point culminant de la scène, lorsqu'elle demande : « Mon rêve pourrait-il n’être qu’une illusion ? / Suis-je trop innocente pour le savoir ? » Ce risque, il est en mesure de le prendre grâce à l'extraordinaire pouvoir expressif d'Asmik Grigorian. Son parcours à travers l'opéra, de la jeune fille gauche à la princesse équilibrée mais toujours vulnérable, en passant par l'éveil de la féminité, est fascinant.
Avec une telle artiste, il est facile d'accepter l'affirmation de l'écrivain Igor Turgenev selon laquelle Tchaïkovski aurait dû rebaptiser son opéra Tatjana Larina, mais cela reviendrait à sous-estimer le talent du compositeur et celui de Günter Papendell dans le rôle-titre, qui retrace avec brio le parcours d'Onéguine, opposé à celui de Tatjana. Il apparaît pour la première fois dans l'Acte I en « dandy froid et sans cœur » selon les propres termes de Tchaïkovski. Mais il cache sa propre vulnérabilité sous un équilibre superficiel. Son moment d'éveil survient dans l'Acte II, lorsque ses actions irréfléchies l'amènent à tuer son meilleur ami Lensky. Dans le troisième acte, il dévoile son âme intérieure aussi douloureusement que le fait Tatjana dans le premier acte.
Et si... ? Le moment le plus poignant de l'opéra se situe au centre de leur dernier duo, lorsque Tatjana et Onéguine s'unissent pour chanter : « Le bonheur était si proche ! ». C'est alors que nous comprenons que cet opéra incarne autant le rêve et l'illusion perdue d'Onéguine que ceux de Tatiana.
Pour Tchaïkovski, le bonheur est un mirage. Il n’existe, élément inatteignable, qu’au-delà de la steppe infinie de la campagne russe. Autrefois, quand nous étions trop jeunes pour sentir sa présence, il était à notre portée. Mais depuis, il s’est envolé.
Grâce à la générosité du Komische Oper Berlin, il est désormais à nouveau possible de revivre cette première nuit mémorable du 31 janvier 2016 sur OperaVision.
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