Il Turco in Italia
Festival d’Aix-en-Provence

Il turco in Italia

Rossini
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italien
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italien
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Dans la lumière éclatante de l'opéra bouffe, un beau prince turc (à la voix de basse souple) débarque sur la côte napolitaine en quête d'aventures amoureuses. Il ne lui faut pas longtemps pour rencontrer une Italienne au caractère bien trempé (une soprano coquette et virtuose), qui a l'habitude de passer d'un prétendant à l'autre, au grand dam de son vieux mari. Ce petit groupe poursuit ses jeux de séduction, ses rivalités et ses querelles sous les yeux ravis du poète Prosdocimo, qui est justement en recherche d'inspiration pour un dramma buffo.

Il turco in Italia montre le compositeur Gioacchino Rossini dans ce qu'il a de plus drôle, mais aussi de plus subtil. Il répond aux pitreries de l'intrigue par une partition inspirée et toujours amusante. On entend dans Il turco in Italia surtout des airs d'ensemble, car seule Fiorella chante une série d'arias pour soliste. Au milieu de ces scènes loufoques, Rossini s’arrête pour des raisons dramatiques ou musicales et crée des moments d'une beauté et d'une sensibilité exceptionnelles. Cette production du Festival d'Aix-en-Provence est mise en scène par le New-Yorkais Christopher Alden, avec Les Musiciens du Louvre Grenoble dirigés par Marc Minkowski et une distribution exceptionnelle, dont Adrian Sâmpetrean, Olga Peretyatko, Alessandro Corbelli, Lawrence Brownlee et Pietro Spagnoli.

Distribution

Selim
Adrian Sâmpetrean
Fiorilla
Olga Peretyatko
Don Geronio
Alessandro Corbelli
Narcissus
Lawrence Brownlee
Prosdocimo
Pietro Spagnoli
Zaida
Cecelia Hall
Albazar
Juan Sancho
Orchestre
Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Chœurs
Ensemble vocal Aedes
...
Musique
Gioachino Rossini
Texte
Felice Romani
Direction musicale
Marc Minkowski
Mise en scène
Christopher Alden
Décors
Andrew Liebermann
Costumes
Kaye Voyce
Lumières
Adam Silverman
...

Vidéo

Extrait

Non si dà follia maggiore

La soprano Olga Peretyatko (Fiorilla) interprète « Non si dà follia maggiore » de l'opéra de Rossini Il Turco in Italia.

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L'HISTOIRE

Acte I
Dans une ville du bord de mer, l’arrivée de Bohémiennes réjouit le poète Prosdocimo : peut-être provoqueront-elles quelque intrigue dont il pourrait tirer une pièce. Or voici justement Don Geronio qui vient les consulter à propos de sa femme, la volage Fiorilla. Zaida et ses compagnes bohémiennes font tant d’allusions aux bêtes à cornes que Geronio s’enfuit. Le Poète interroge Zaida, qui lui raconte son infortune : elle devait épouser le prince turc Selim Damelec, mais ce dernier l’a injustement condamnée à mort. Sauvée par le fidèle Albazar, elle s’est enfuie avec ce dernier.

Après la sortie de Zaida, Fiorilla entre en scène en vantant la versatilité des cœurs. Un navire approche de la plage. Un prince turc en débarque : c’est Selim, qui lie connaissance avec l’accorte Italienne. L’un et l’autre s’éloignent en badinant. Lorsque le Poète revient, il croise Don Narciso, amant en titre de Fiorilla, qui fulmine de jalousie. Survient alors Don Geronio, hors de lui car il vient de voir sa femme au bras d’un Turc ! Le Poète jubile  –  il tient le début de sa farce théâtrale.

Fiorilla a invité Selim à prendre le café chez elle, rendez-vous interrompu par l’irruption de Geronio. Rattrapant la situation, Fiorilla oblige son mari à baiser le manteau de leur visiteur. Narciso arrive alors et, voyant la position humiliante du mari, lui recommande de ne pas se laisser faire. Selim s’éclipse. Geronio se plaint au Poète qui lui conseille de corriger sa femme (dans l’espoir que sa comédie en sera plus piquante). De fait, les deux époux se livrent à une spectaculaire scène de ménage.

Alors qu’il attend Fiorilla afin de fuir avec elle, Selim rencontre les Bohémiens et reconnaît Zaida. Mais voici qu’arrivent Narciso, Geronio et enfin Fiorilla, qui laisse éclater sa colère lorsqu’elle découvre Selim avec une autre. Cris, stupeur et confusion sont encouragés par le Poète.

Acte II
Le Poète pousse Geronio à boire, histoire de se donner un peu de courage – sans quoi sa comédie se terminera en queue de poisson. Arrive Selim, qui propose à Geronio de lui acheter sa femme. Fiorilla a convié Zaida afin que le Turc choisisse entre elles. Selim ne résiste guère à la belle Italienne, mais une fois Zaida chassée, il ne peut s’empêcher de plaindre la malheureuse, ce qui a le don d’exaspérer Fiorilla. Il faudra un duo pour les réconcilier. Le Poète dévoile alors à Geronio son plan pour empêcher l’enlèvement de Fiorilla : au cours d’un bal masqué, Zaida se fera passer pour Fiorilla aux yeux de Selim. Surprenant ces propos, Don Narciso décide de se rendre lui aussi au bal déguisé en Selim.

Pendant le bal, à la faveur des déguisements, Narciso aborde Fiorilla, qui le suit en croyant avoir affaire à Selim ; ce dernier se retrouve, sans le savoir, avec Zaida. Geronio n’y comprend plus rien. Le Poète vient à la rescousse de Geronio : il le pousse à menacer sa femme de divorce. De retour du bal, Fiorilla tombe nez-à-nez avec son mari, qui lui interdit le domicile conjugal. Le Poète apporte alors une lettre à Fiorilla : son mari la répudie. Prise de remords, elle se repent de sa conduite – ce qui réjouit le Poète : sa comédie bénéficiera même d’une fin morale !

Désespérée, Fiorilla a décidé de quitter la côte napolitaine pour retourner chez ses parents de pauvre extraction. Mais Geronio accourt pour lui pardonner. Quant à Selim, il repart chez lui avec Zaida. Tous chantent les bienfaits de cette fin heureuse.

En profondeur

Six personnages en quête de metteur en scène

Entretien avec Christopher Alden
 

Le Turc en Italie est-il seulement un opéra bouffe ?

Christopher Alden :  Le livret est plus profond qu’il n’y paraît dans la mesure où il met en scène des personnages qui essaient de franchir leurs propres limites et osent s’aventurer dans des zones souvent inexplorées. Bien qu’issus de cultures radicalement opposées, les personnages de Selim et Fiorilla, l’un turc, l’autre italien, sont ainsi irrésistiblement attirés, comme fascinés l’un par l’autre. Plus qu’un simple opéra bouffe, Le Turc en Italie est une œuvre sur la différence, de cultures d’une part, hommes / femmes de l’autre.

Selon vous, en quoi Le Turc en Italie se distingue-t-il de l’ensemble de la production rossinienne ?

Je considère Le Turc en Italie comme l’un des opéras les plus fascinants de Rossini. Il se singularise avant tout par une certaine perversité, incarnée par la figure du poète Prosdocimo : cet homme, à la recherche d’un argument valable pour son livret d’opéra, s’inspire des gens qui l’entourent. Il les incite, de manière plus ou moins insidieuse, à adopter des comportements destinés à servir son intrigue. Il tente de les manipuler en quelque sorte.

Quel angle d’approche avez-vous choisi pour la mise en scène du Turc en Italie ?

Mon angle d’approche est plus onirique que réaliste. J’ai été très inspiré par la figure du Poète qui revêt, dans ma version, les traits d’un metteur en scène d’opéra sous la direction duquel les autres personnages répètent.

Le Poète est une figure qui m’est familière : je fais un peu la même chose que lui lorsque, chez moi, assis à ma table de travail, je prépare une production. Je rassemble mes idées, écoute des disques, étudie l’identité des personnages et explore les moindres recoins de l’œuvre : ce travail quasi obsédant, nous l’éprouvons tous les deux !

Le spécialiste de Rossini Damien Colas soutient que « le véritable protagoniste d’Il Turco n’est pas Selim mais Fiorilla ».

Le rôle de Fiorilla, féministe avant l’heure évoluant au sein d’une société patriarcale, est assez inhabituel dans l’opéra du 19ème siècle. Fiorilla se refuse à incarner le rôle de bonne épouse qu’on lui assigne et à accepter le mariage petit-bourgeois qu’elle a conclu. Afin de s’extraire de cette situation, elle repousse les limites de sa sexualité en endossant un rôle quasi masculin.

Il est intéressant de remarquer qu’un chœur de femmes est présent au début de l’opéra, puis disparaît pour laisser place à la seule Fiorilla. Le spectateur est ensuite témoin des sentiments contradictoires que la jeune femme déclenche chez les hommes de son entourage : ces derniers l’aiment, la désirent et en même temps l’effraient, la détestent et la jalousent. Proche de Lulu et de Carmen, Fiorilla fait partie de ces femmes fortes que les hommes veulent à tout prix soumettre. Comme Catharina dans La Mégère apprivoisée de Shakespeare, malgré ses bonnes intentions, Fiorilla finit vaincue et choisit le confort rassurant du mariage.

Que penser du happy end qui semble en décalage avec la situation réelle ?
C’est en effet un happy end de convention car la fin de l’opéra est plutôt triste. L’issue du Turc en Italie présente des personnages détruits, dépossédés de leur joie de vivre voire même de leur sexualité, qui se seraient comme brûlé les ailes au contact du désir, finissant par renoncer à leurs idéaux. Ainsi, ni Fiorilla ni Selim n’ont le courage de transgresser la situation qui est la leur et chacun se replie sur sa propre culture.

Cet opéra peut-il encore parler au public d’aujourd’hui ?

Cet opéra peut encore parler au public d’aujourd’hui dans la mesure où il aborde la question universelle des relations humaines, et des rapports hommes / femmes, sujet de grande actualité. Le Turc en Italie montre le poids des normes sociales : les personnages perçoivent la difficulté du combat à mener pour atteindre la liberté de s’exprimer en tant qu’individu. Ce sujet concerne chacun d’entre nous.

Adapté d’une entrevue entre Christopher Alden et Anne Le Nabour.