Orphée et Eurydice
Amour annonce à Orphée qu’il peut aller chercher Eurydice aux Enfers. Son chant a le pouvoir d’apaiser les Furies, mais peut rassurer Eurydice que désespère la feinte indifférence d’Orphée, ainsi mis à l’épreuve par Jupiter.
Orphée et Eurydice bouleversa l’Europe des Lumières. Adorateur de Gluck, Berlioz fit la synthèse des versions italienne et française d’origine à l’attention de Pauline Viardot, dont la voix pouvait faire revivre l’art disparu des castrats pour le public romantique. La mise en scène d’Aurélien Bory déploie les vertiges des espaces que parcourt Orphée, mentaux, surnaturels et de l’au-delà.
Distribution
Orphée | Marianne Crebassa |
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Eurydice | Hélène Guilmette |
Cupid | Lea Desandre |
Dancers / Circus artists | Claire Carpentier, Elodie Chan, Yannis François, Tommy Entresangle, Margherita Mischitelli, Charlotte Siepiora |
Chœurs | Pygmalion |
Orchestre | Pygmalion |
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Musique | Christoph Willibald Gluck |
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Direction musicale | Raphaël Pichon |
Mise en scène | Aurélien Bory |
Décors | Aurélien Bory, Pierre Dequivre |
Lumières | Arno Veyrat |
Costumes | Manuela Agnesini |
Assistant Costumes | Claire Schwartz |
Assistant(es) à la mise en scène | Hugues Cohen, Gabrielle Maris Victorin |
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Vidéo
L'histoire
Acte I
Nymphes et bergers se lamentent sur la tombe d’Eurydice, tandis que son époux répète son nom en gémissant. Il invoque son amour perdu, invective les dieux et envisage d’aller la chercher aux Enfers.
Messager des dieux, Amour paraît pour annoncer à Orphée qu’il est autorisé à se rendre aux Enfers, au prix de deux épreuves. Il devra amadouer de son art musical les créatures infernales puis, sur le chemin du retour, s’abstenir de tout regard vers Eurydice, ainsi que de toute explication. L’espoir ranime le courage d’Orphée.
Acte II
L’effrayante entrée des Enfers est gardée par des spectres et des furies qui en barrent le passage. Mais Orphée les apaise progressivement par le chant de sa plainte, de sa prière, et par l’expression touchante de son amour. Il pénètre aux Enfers.
Acte III
Dans les Champs élyséens, qui accueillent les héroïnes et les héros morts, règne une félicité qui semble combler Eurydice. Ému par l’harmonie du lieu, Orphée ne peut cependant oublier sa douleur et réclame Eurydice aux ombres. On la lui amène et il saisit sa main.
Acte IV
Orphée et Eurydice avancent dans le labyrinthe qui mène hors des Enfers. Étonnée de revenir à la vie, Eurydice est vite frappée par l’attitude distante d’Orphée qui a lâché sa main. Elle lui quémande en vain un regard, puis refuse de le suivre davantage et défaille bientôt de douleur. Empli de remords, Orphée se retourne vers elle. Eurydice meurt une seconde fois.
En profondeur
5 clés pour aborder Orphée et Eurydice
1° Un mythe universel
Le mythe d’Orphée a toujours fasciné car son sujet reste universel : la perte d’un être cher et l’impuissance face à la mort. Il symbolise aussi l’incroyable pouvoir de la musique et de la poésie. Orphée est un musicien virtuose dont la force du chant fait succomber aussi bien les vivants, les choses, que les morts ; il représente à lui seul l’allégorie même de la musique, et par la même occasion, de l’opéra.
Si l’histoire d’Orphée est pleine de péripéties et de protagonistes, son aventure commence véritablement lorsqu’il tombe amoureux d’Eurydice et lorsque celle-ci succombe à la morsure d’un serpent. Dévasté, Orphée, aidé par Amour, ira la chercher aux Enfers. Orphée ne peut pas la regarder avant leur arrivée à la surface de la Terre, sous peine de provoquer sa mort une seconde fois. Bien sûr, Orphée se retourne, sans quoi le mythe n’existerait pas.
Pour quelle raison Orphée n’a-t-il pas su résister à la tentation de se retourner alors qu’il avait réussi le plus dur : convaincre Hadès de le laisser entrer vivant aux Enfers ? Chaque auteur y va de sa propre interprétation. Est-ce parce qu’Eurydice manque de trébucher ? Eurydice doute-t-elle de l’amour d’Orphée et le contraint à se retourner ? Orphée veut-il simplement être sûr qu’Eurydice est bien derrière lui ? Est-ce tout simplement la fatalité de son destin ? La conclusion choisie apporte à chaque fois un nouveau regard sur l’œuvre.
2° Un opéra remanié par Berlioz
Lorsque qu’on confie à Berlioz, véritable adorateur de Gluck, la tâche d’adapter Orphée et Eurydice pour la grande Pauline Viardot en 1859, il décide de s’inspirer des deux versions établies par Gluck : l’une italienne (rôle d’Orfeo tenu par un castrat) et l’autre française (rôle d’Orphée tenu par un ténor). Berlioz conserve la partition française, mais renoue avec la version italienne et transpose la voix de ténor dans une tessiture convenant à Pauline Viardot. Orphée devient ainsi un rôle travesti interprété par une mezzo-soprano. Berlioz harmonise les tonalités, notamment pour des instruments plus modernes. L’ouverture, considérée comme trop festive et mondaine, est conservée mais jouée pendant que les spectateurs s’installent dans la salle. La fin est écourtée et modifiée.
C’est donc une œuvre ouverte, remaniée et réinterprétée à toutes les époques par de nombreux chanteurs et compositeurs, à commencer par Gluck lui-même, que le chef d’orchestre Raphaël Pichon et le metteur en scène Aurélien Bory s’approprient à leur tour. De la version de Berlioz, en français et avec trois rôles féminins, ils choisissent de ne pas jouer l’ouverture, estimée trop flamboyante et déconnectée de la tragédie qui s’annonce. Ils la remplacent par une autre pièce de Gluck, plus dramatique, Larghetto, extrait du ballet Don Juan ou le Festin de pierre (1761). À l’instar, les longues scènes de danse, imposées pour le ballet de l’Opéra de Paris en conclusion de l’œuvre, ne sont pas toutes conservées.
3° La magie du Pepper’s Ghost
Aurélien Bory se définit comme un metteur en scène de l’espace : il aborde les lois physiques du plateau et joue avec la gravité et la perspective. Visuellement, il a choisi d’utiliser un univers et des procédés contemporains à Berlioz, comme pour replonger le spectateur d’aujourd’hui au XIXe siècle. C’est ainsi grâce à un dispositif physique et optique inventé à l’époque qu’Aurélien Bory figure le « passage » d’Orphée entre les mondes des vivants et des morts: le Pepper’s Ghost, du nom de son créateur Monsieur Pepper.
Ce procédé d’illusion d’optique qui par jeu de réflexion lumineuse ou de transparence permet de faire apparaître et disparaître les objets - ou des individus, utilise une fine plaque de verre (aujourd’hui remplacée par un plastique léger) et des éclairages particuliers. Un projecteur haute définition, situé au-dessus de la scène émet une image sur une surface transparente. Celle-ci se reflète alors sur un écran transparent, généralement incliné à 45°, donnant une impression de profondeur.
4° La peinture s’invite sur scène
Le Pepper’s Ghost n’est pas simplement sur scène pour séparer le monde des morts et celui des vivants, mais aussi pour mettre en valeur une grande toile de Jean-Baptiste Corot, Orphée ramenant Eurydice des Enfers. Le reflet du Pepper’s Ghost permet de faire apparaître la peinture de Corot comme si elle était suspendue aux cintres, en exposition aux spectateurs. Pour Bory, cette œuvre peinte en 1862 fait naturellement écho à Orphée et Eurydice dans la version de Berlioz qui a été créée à la même époque et présentée au Théâtre-Lyrique seulement trois ans auparavant.
Cette coïncidence va aussi de pair avec l’esprit de transition, de passage, du monde des morts à celui des vivants pour Orphée, du changement d’un opéra statique à un opéra en mouvement que Gluck a engendré, et dans la peinture de Corot avec des traits perceptibles des prémices du passage à l’impressionnisme.
Par l’image et par l’acoustique, cette production parle ainsi de ce principe de la transition, de la séparation et de la conséquences des choix opérés dans une vie.
5° Un opéra qui mêle les genres : du cirque à la magie
La compagnie 111 créée par Aurélien Bory en a fait sa marque de fabrique, c’est l’espace qui compte avant toute chose : « La scène est un espace. (…) Cet espace est le seul support de l’art où l’on ne peut échapper aux lois de la mécanique générale. (...) Les corps, les objets sont soumis à la gravité sans échappatoire possible. (...) Le corps, l’objet sont pertinents pour parler de gravité. »
Ce sont les arts de la danse, de la magie et du cirque qui permettent au metteur en scène de traiter de l'espace et de la gravité. Aurélien Bory a notamment travaillé avec Raphaël Navarro, spécialiste de magie nouvelle, qui place le déséquilibre des sens et le détournement du réel au centre des enjeux artistiques. Il s’est également inspiré du ballet de Pina Bausch Orphée et Eurydice. Ainsi, circassiens et danseurs, mêlés au choeur Pygmalion, joueront les Furies des Enfers, dissuadant Orphée d’y pénétrer.