The Bassarids
Le jeune Penthée est monté sur le trône de Thèbes, mais un étranger compromet peu à peu son autorité. En l'honneur du dieu Dionysos, il conduit son peuple à des festivités enivrantes consacrées au plaisir et à la luxure.
Le drame musical de Hans Werner Henze en un acte est une tragédie sanglante sur la démagogie politique et la séduction des masses. Dans la production de Barry Kosky, l'orchestre devient le champ de bataille des principes antagonistes et brise les frontières physiques de la fosse d’orchestre en se pressant sur la scène, où il devient à la fois témoin et complice des événements qui se produisent.
Distribution
Dionysus | Sean Panikkar |
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Pentheus | Günter Papendell |
Cadmos | Jens Larsen |
Tiresias | Ivan Turšić |
Captain of the Royal Guard | Tom Erik Lie |
Agave | Tanja Ariane Baumgartner |
Autonoe | Vera-Lotte Böcker |
Beroe | Margarita Nekrasova |
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Musique | Hans Werner Henze |
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Direction musicale | Vladimir Jurowski |
Mise en scène | Barrie Kosky |
Décors | Katrin Lea Tag |
Lumières | Franck Evin |
Costumes | Katrin Lea Tag |
Texte | Wystan Hugh Auden and Chester Kallman |
Chef·fe des Chœurs | David Cavelius |
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Vidéo
L'histoire
Contexte
Sur ordre de la déesse Athéna, Cadmos, fils du roi Agénor et frère d’Europe, a jadis semé les dents d’un dragon qu’il a terrassé. Cette semence a engendré des hommes armés qui ont aidé Cadmos à bâtir la ville de Thèbes. À l’un de ces hommes, Échion, Cadmos a donné pour femme sa fille cadette, Agavé. Sa deuxième fille, Sémélé, s’est éprise de Zeus. L’épouse de ce dernier, Héra, a rendu visite à Sémélé sous les traits de sa nourrice Béroé et a convaincu la jeune fille d’exiger de son amant qu’il se présente à elle sous son apparence divine. Devant l’incandescente apparition du père des dieux, Sémélé se consume en cendres. Mais Zeus a sauvé son enfant : Dionysos. Il l’a cousu dans sa cuisse d’où Dionysos naquit une deuxième fois. La tombe de Sémélé est devenue un lieu de culte à Thèbes.
Première partie
Penthée, fils d’Échion et Agavé, a reçu de son grand-père Cadmos le royaume de Thèbes. Alors que le peuple s’apprête à accueillir son nouveau souverain, la voix d’un étranger annonce de loin l’arrivée de Dionysos sur le mont Cithéron. La foule répond à l’appel et rejoint la suite de Dionysos, les Bassarides, qui célèbrent le dieu dans des rituels extatiques de débauche et d’ivresse.
Alors que Cadmos lance une mise en garde contre le nouveau dieu et ses rites dépravés, ses filles Agavé et Autonoé mettent en doute le caractère divin de Dionysos. Le devin transgenre Tirésias encourage au contraire à prendre part aux rituels orgiastiques.
Penthée annonce qu’il interdit strictement tout culte consacré au soi-disant dieu Dionysos et à sa mère Sémélé. Agavé, Autonoé et Tirésias se laissent cependant séduire par le nouvel appel de l’étranger et prennent le chemin du mont Cithéron.
Penthée ignore les recommandations de son grand-père Cadmos et ordonne l’arrestation de tous les adeptes de Dionysos. Le capitaine de la garde royale amène les prisonniers du Cithéron, parmi lesquels se trouvent Agavé, Autonoé, Tirésias et l’étranger. Les efforts de Penthée pour interroger sa mère Agavé, en transe, sur les événements du Cithéron, restent sans succès. Béroé, la nourrice de Penthée, tente en vain de mettre en garde le jeune roi contre l’étranger en qui elle a reconnu le dieu Dionysos. Penthée fait subir un interrogatoire à l’étranger, qui reste impassible à ses menaces et à son courroux. Le roi donne l’ordre d’emprisonner l’étranger et de le soumettre à la torture. Mais presqu’aussitôt, l’étranger se présente tranquillement devant Penthée, qui n’est pas loin de succomber à ses paroles envoûtantes.
Intermezzo
Tirésias, Agavé, Autonoé et le capitaine de la garde royale jouent la pièce Le Jugement de Calliope qui raconte la conception et la « naissance » du bel Adonis (le capitaine), auquel prétendent à la fois Vénus, la déesse de l’amour (Agavé), et Proserpine, la reine des enfers (Autonoé). Calliope (Tirésias), la muse de la poésie épique, doit assurer le rôle de l’arbitre dans la dispute entre les deux déesses. Elle porte un mauvais jugement, accordant à chacune des deux déesses l’objet convoité pour un tiers de l’année, Adonis restant libre et disponible pour le troisième tiers. À la fin, Adonis raconte comment il fut mis en pièces par le dieu de la guerre, Mars, amant jaloux de Vénus survenu sous l’apparence d’un sanglier enragé. La pièce se termine par un chant de deuil entonné par tous les participants.
Deuxième partie
De plus en plus sous le charme de Dionysos, Penthée décide d’aller voir par lui-même ce qui se passe sur le Cithéron. Pour ne pas être reconnu, il s’habille en femme. Dionysos ameute toute sa suite contre Penthée. La masse extatique des Bassarides, parmi lesquels Agavé et Autonoé, tue l’intrus.
Présageant une funeste nouvelle, Cadmos et Béroé attendent le retour des Bassarides. Ceux-ci font une entrée triomphante, conduits par Agavé, qui brandit fièrement son trophée sanglant. Cadmos ramène sa fille à la réalité : peu à peu, Agavé réalise qu’elle ne tient pas entre ses mains la tête d’un jeune lion mais les restes de son propre fils.
L’étranger, qui se révèle à tous être le dieu Dionysos, bannit la famille royale de la ville et donne l’ordre d’incendier le palais. Il implore Perséphone (Proserpine) de libérer sa mère Sémélé des profondeurs de l’Hadès pour lui accorder une place aux côtés des immortels sous le nom de déesse Thyoné.
En profondeur
5 clés pour aborder The Bassarids
1° Une frénésie enivrante
Dans la mythologie et la religion grecques antiques, Dionysos est le dieu du vin, de la fertilité, de la folie rituelle, de l'extase religieuse et du théâtre. Aussi connu sous le nom de Bacchus, le nom adopté par les Romains, il inspira un culte au cours duquel ses adeptes absorbaient des substances enivrantes et entraient en transe pour se débarrasser de leurs inhibitions et de leurs contraintes sociales. Ses disciples féminines parcouraient les montagnes et les forêts vêtues de peaux de renard, s’adonnant à des danses frénétiques et extatiques. L’influence des substances était censée leur apporter une force inhabituelle, dont la capacité de déchiqueter des animaux ou des personnes. Ces femmes étaient connues sous le nom de Ménades, qui signifie « folle », ou de Bassarides, qui vient du mot grec désignant une peau de renard.
2° Une tragédie primée
Les Dionysies étaient des festivités rurales et urbaines dédiées à Dionysos, et dont l’élément central était une série de représentations théâtrales de tragédies dramatiques et de comédies. En 405 av. J.-C., le dramaturge Euripide remporta le premier prix de la Dionysie urbaine avec sa tragédie Les Bacchantes. Dans la pièce, Dionysos revient déguisé dans sa ville natale de Thèbes. Il envisage de démontrer aux habitants la pertinence de sa présence en amenant la mère du roi à tuer son propre fils. Opposant le sacrifice en pleine nature en dehors de la ville, dans l'obscurité de la nuit, au sacrifice se déroulant à l’intérieur d'un temple, la représentation du culte de Dionysos par Euripide souligne le côté archaïque et incivilisé de la pratique religieuse païenne. Les Bacchantes est considéré comme l'une des plus grandes tragédies jamais écrites et se distingue par l’intégration du chœur à l'intrigue et au fait que le dieu n'est pas une présence lointaine, mais un bien protagoniste central de la pièce.
3° Collaborations créatives
Pour son opéra Elegy for Young Lovers, créé en 1961, le compositeur allemand Hans Werner Henze fit appel au poète anglo-américain W. H. Auden et à son partenaire, le poète et traducteur américain Chester Kallman. Auden était déjà à l’origine du livret de Paul Bunyan de Benjamin Britten et avait travaillé avec Kallman sur le livret de The Rake's Progress d'Igor Stravinsky. Dans une interview pour The Musical Times, Henze explique la naissance de sa collaboration avec Auden et Kallman sur The Bassarids : « Après la production à Glyndebourne d'Elegy for Young Lovers, je leur ai confié que j'aurais beaucoup aimé travailler à nouveau avec eux, et Auden a alors évoqué Les Bacchantes. J’ai lu la pièce, et j'ai été très impressionné. Je leur ai écrit à New York et ils m'ont envoyé ce livret, qui s'inspire beaucoup d’Euripide – il ne s’agit pas d’une interprétation libre mais ajoute plutôt 2 500 ans d'expérience. » L'opéra a été créé au Festival de Salzbourg en 1966 dans une traduction allemande de Maria Basse-Sporleder.
4° Liberté et extase
The Bassarids a pour sujet central le conflit entre le roi Penthée, ambitieux et rationnel, et le dieu Dionysos, fier et charismatique. Le règne vertueux de Penthée laisse peu de place à la vénération du dieu du vin, qui se bat pour retrouver son importance dans la vie du peuple. Henze écrivit cet opéra après avoir quitté l'Allemagne pour l'Italie en raison du sentiment d’intolérance qu’il ressentait envers ses opinions politiques de gauche ainsi que son homosexualité. Selon lui, The Bassarids n'est pas une glorification aveugle de l'extase mais un avertissement quant à ce qui pourrait arriver si le plaisir était systématiquement réprimé. Comme il l’expliquait dans l'interview du Musical Times : « Selon la vision marxiste-freudienne, Dionysos a raison : la dignité de l'humain est inséparable de sa dignité physique. Penthée essaye de séparer ces deux éléments : il estime qu'il est possible de faire abstraction des organes génitaux. Quant à Dionysos, il demande à l'humanité de dire oui à la vie. »
5° Mélodies séduisantes
Henze participa aux célèbres Cours d'été internationaux de musique nouvelle de Darmstadt et travailla au cours de ses premières années avec les techniques dodécaphoniques. Après s'être installé en Italie, il abandonna le dogme strict et dépourvu d’émotion de la théorie allemande de la musique contemporaine pour travailler sur de nouvelles formes variées d'expression musicale. Avec ses quatre mouvements et son intermezzo, The Bassarids est davantage structuré comme une symphonie classique que comme un opéra. La partition comprend des citations de la Passion selon saint Matthieu et de la Suite anglaise en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, et les rythmes sont inspirés des chants folkloriques du sud de l'Italie. La musique de Gustav Mahler a également eu une influence évidente sur la riche orchestration qui, comme le souligne le metteur en scène Barry Kosky, est un vecteur parfait de « la brutalité, la sensualité, l'érotisme, la peur, l'anxiété, le traumatisme, la beauté, la joie et l'extase que reflète l’extraordinaire partition de Henze ».