Euryanthe
De retour du front, un chevalier se réjouit de la chasteté et de la loyauté de sa femme. Mais lorsqu'un comte jaloux le défie dans un pari risqué quant à sa fidélité, l'innocente jeune femme est mise à rude épreuve.
Libérant Euryanthe de sa seule réputation de précurseur du Lohengrin de Wagner, la production du Theater an der Wien fait du « grand opéra romantico-héroïque » de Weber un chef-d'œuvre à part entière. La mise en scène de Christof Loy traduit l'histoire du chevalier dans le présent et convainc par son approche psychologique sensible.
Distribution
Euryanthe | Jacquelyn Wagner |
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Adolar | Norman Reinhardt |
Eglantine | Theresa Kronthaler |
Lysiart | Andrew Foster-Williams |
King Louis VI | Stefan Cerny |
Duchess of Burgundy | Eva-Maria Neubauer |
Chœurs | Arnold Schoenberg Chor |
Orchestre | Orf Radio-Symphonieorchester Wien |
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Musique | Carl Maria von Weber |
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Direction musicale | Constantin Trinks |
Mise en scène | Christof Loy |
Décors | Johannes Leiacker |
Texte | Helmina von Chézy |
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Vidéo
L'histoire
Comme si souvent à l'opéra, la fidélité des femmes est également mise à l’épreuve dans ce conte : à l’époque médiévale et fantastique de la chevalerie, le noble comte Adolar est fiancé à la sensible Euryanthe, qui a déjà rejeté le comte Lysiart. Par jalousie, Lysiart a désormais l'intention de nuire au bonheur du couple. Il provoque Adolar, qui ne se lasse pas de vanter la pureté et la fidélité de sa fiancée, à accepter un pari risqué la concernant. Mais Lysiart échoue dans sa tentative de séduire Euryanthe. Il tente alors un tour de passe-passe et s'allie avec Eglantine, tout aussi jalouse, qui souffre de son amour non réciproque pour Adolar. Eglantine réussit à tirer d'Euryanthe un secret de famille embarrassant qu'elle avait juré de ne jamais révéler : Emma, la soeur d'Adolar, malade d'amour, s'est suicidée avec le poison d'une bague et son fantôme erre désormais. Son âme ne trouvera pas la paix tant que l'anneau dont elle a pris le poison ne sera pas touché par les larmes de l'innocence et de la plus grande tristesse. Cette bague, prise dans la tombe d'Emma, devient le corps du délit et pousse Adolar à croire qu'Euryanthe l'a confiée à Lysiart, avec son secret, lors d’une nuit de passion. En présence d’Euryanthe, qui ne se doute de rien, le pari s’achève devant toute la cour : Adolar perd ses terres, sa fortune et son épouse. Il désavoue publiquement Euryanthe qui reste muette d'horreur et de désarroi. Son incapacité à se défendre est perçue comme la preuve de sa culpabilité et Adolar la bannit dans le désert. Au dernier moment, le roi découvre sa présence et la sauve de la famine. Euryanthe retrouve le pouvoir de la parole et révèle toute l'étendue de la conspiration qu’elle a percée à jour après avoir longuement réfléchi dans la forêt. Au moment où Eglantine et Lysiart s'apprêtent à se marier, le couple malfaisant subit la vengeance du destin : sous le poids de la culpabilité, Eglantine perd la tête et révèle tout. Adolar est alors pris d'un profond remords. Le roi convoque alors Euryanthe, qu'Adolar croit morte, pour qu'elle se présente devant lui. La jeune femme bienveillante pardonne à Adolar son pari idiot et ses fausses accusations. Les amants sont réunis et l'âme d'Emma trouve elle aussi la paix – les larmes de l'innocente Euryanthe ont atteint sa bague.
En profondeur
Nos démons intérieurs
Le metteur en scène Christof Loy nous parle d’Euryanthe
Euryanthe de Carl Maria von Weber est réputé pour sa musique exceptionnelle, mais le livret d'Helmina von Chézy a tendance à être critiqué, voire considéré comme un échec total. En tant que metteur en scène, que trouvez-vous de si fascinant dans cette œuvre clé de la période romantique ?
Il m'a fallu beaucoup de temps avant de sentir que j'avais vraiment découvert l'œuvre, que je l'avais pleinement acceptée et que j'avais appris à l'apprécier. Le temps que j’ai pris pour cela m'a conduit à un profond enthousiasme pour l'œuvre. L'une des scènes clés qui a alimenté mon nouvel engouement pour l'opéra a été l'ouverture de l'acte III avec les personnages centraux d’Euryanthe et d’Adolar, précisément parce que le langage musical de Weber semble être si délibéré et inhabituel. Il fait preuve d'un courage considérable pour maintenir une atmosphère sombre pendant si longtemps, avec seuls quelques moments de lumière occasionnels. J’ai senti qu'on pouvait y voir très clairement l'importance de ces deux personnages pour Weber. C'est avec cette scène que la pièce s'est effectivement révélée à moi, et j'ai commencé à m'intéresser à ce qui qui la précédait. J'ai voulu explorer la personnalité de ces personnages et j'ai compris ce que Weber voulait nous dire. Et c'est ainsi que non seulement l'histoire, mais aussi tout le langage de l'opéra m'est devenu accessible.
Le texte et la musique sont-ils un ensemble indivisible, selon vous ?
Je pense que le langage n'a rien d'extraordinaire. Helmina von Chézy a inventé un langage pour le sujet de l’opéra. Ce n'est pas différent de ce que Wagner a fait, quand il a développé un langage propre pour les mondes qu'il a créés. Le livret de Tristan n'est pas si aisément accessible ou compréhensible non plus. Vous devez d'abord travailler vous-même sur le texte. En préparant Euryanthe, je me suis souvenu de la façon dont j'avais dû, à l'origine, déchiffrer l'opéra de Wagner pour moi-même. Il est vrai que Weber a dû se battre avec le livret à certains endroits, mais ses problèmes étaient liés à sa fonction dramatique, jamais à la qualité de la langue.
Il ne fait aucun doute que le texte a été une source d'inspiration pour Weber. En fin de compte, on ne peut en aucun cas séparer l'un de l'autre. Si le texte n'avait pas été bon, il n'aurait jamais pu inventer cette musique-là. Et après tout, il n'y a rien d'inhabituel à ce que le chemin pour atteindre le produit fini depuis la base textuelle d’un opéra soit compliqué. Il suffit de penser à Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal – nous savons très bien qu'ils se sont querellés et que des actes entiers ont fini à la poubelle.
L'œuvre semble certainement préfigurer les opéras ultérieurs, surtout si l'on pense à Richard Wagner. Nous entendons sans cesse parler de constructions et de dispositifs musicaux qui auraient été développés non seulement dans Tristan mais que l’on retrouve déjà dans Le Vaisseau Fantôme et Lohengrin.
C'est absolument vrai, mais nous ne rendons pas hommage à cette œuvre si nous lui accordons uniquement un rôle clé dans l'histoire de la musique d’un point de vue strictement musicologique. Nous devons être capables d'apprécier l'œuvre indépendamment de ce qui s'est passé par la suite. L'histoire de la réception de l'opéra est très intéressante. De nombreuses adaptations d’Euryanthe ont tenté de modifier son langage, en racontant pratiquement une histoire différente et en réorganisant l'ordre des numéros musicaux. Nous avons, par contre, décidé d'interpréter la version originale, mais avec quelques petites coupures mineures. Nous avons déjà pu constater très clairement lors des répétitions que les chanteurs ne remettent plus en question le texte et son contenu une fois qu'ils s'identifient complètement aux événements sur scène et donc au texte qu'ils doivent chanter.
La production est très fortement axée sur les états d'esprit des quatre personnages principaux. Pourquoi cette mise en avant de thèmes aussi intimes et privés ?
Je m'intéresse beaucoup à cette forme artistique ainsi qu’au traitement esthétique de tels thèmes parce qu'ils permettent d’illustrer de façon beaucoup plus articulée les différents niveaux révélés dans l'œuvre. Regardez la façon dont les différents niveaux musicaux fonctionnent lorsqu'ils sont soumis à une analyse approfondie. Si vous mettiez en scène l'œuvre comme un « grand opéra romantico-héroïque », comme l'indique le sous-titre de la partition, et que vous sépariez la pièce en grands tableaux, vous perdriez ces nuances. Je soupçonne Weber d’avoir accepté la commande d'un tel opéra parce qu'il savait très bien à quel point il allait pouvoir parler de ces personnages par l'intermédiaire de l'orchestre. Et à cet effet, l'idéal d'un opéra composé de bout en bout lui convenait parfaitement. En ce sens, la conception d'une œuvre de chambre est celle du compositeur lui-même, à travers sa propre analyse pointue.
L'interview complète de Klaus Bertisch a été publiée dans le livret du DVD de Naxos.