Victorieux au combat, admiré par ses hommes, aimé par sa femme, le destin semble sourire à Otello. Mais les moments de bonheur s’évanouissent lorsque le doute s’instille dans l'esprit du héros et que la jalousie noircit son cœur. Et les soupçons mènent à la ruine.
Otello et Falstaff sont considérés par beaucoup comme les sommets de l'opéra italien. Ces chefs-d'œuvre de Shakespeare, les deux derniers opéras composés par Giuseppe Verdi, sont le fruit d'une remarquable collaboration entre le compositeur et son ami Arrigo Boito, librettiste, ainsi que son cadet de près de 30 ans. Boito a été influencé par les traductions de Shakespeare (celles de François-Victor Hugo par exemple). Otello est difficlement maître de ses passions. Desdémone est une idéalisation sacrée et Iago un méchant cynique aux proportions diaboliques. L'essence du génie de Verdi, tout au long de sa vie, réside dans l’alliance de la poésie au chant dans des formes lyriques équilibrées. Ce qui diffère dans ces dernières collaborations avec Boito, c'est que ces formes ne sont pas confinées aux arias et aux ensembles, mais s'épanouissent partout où la poésie et l'esprit du drame le suggèrent. En direct de Poznań pour la soirée d'ouverture, OperaVision retransmet cette nouvelle production entre les mains d'un duo d’artistes exceptionnels : le metteur en scène David Pountney et le chef d'orchestre Jacek Kaspszyk. Un drame intense et une musique passionnée qui nous entraînent dans les recoins les plus sombres de l'esprit humain.
DISTRIBUTION
Otello | Gwyn Hughes Jones |
---|---|
Iago | Dario Solari |
Desdémone | Iwona Sobotka |
Emilia | Gosha Kowalinska |
Casio | Piotr Kalina |
Lodovico | Rafał Korpik |
Roderigo | Piotr Friebe |
Montano | Damian Konieczek |
Herold / Herald | Michał Korzeniowski |
Orchestre | Orchestre de l'Opéra de Poznań |
Chœurs | Chœur de l'Opéra de Poznań |
... |
Musique | Giuseppe Verdi |
---|---|
Texte | Arrigo Boito |
Direction musicale | Jacek Kaspszyk |
Mise en scène | David Pountney |
Décors | Raimund Bauer |
Costumes | Marie-Jeanne Lecca |
Lumières | Fabrice Kebour |
Chorégraphie | Ran Arthur Braun |
Projections vidéo | Karolina fender Noińska |
Assistant·e direction musicale | Zofia Kiniorska Andrei Yakushau |
Assistant·e mise en scène | Barbara Poll Dominika Babiarz Bartłomiej Szczeszek |
Chef·fe des Chœurs | Mariusz Otto |
Chef·fe du Chœur des enfants | Michał Sergiusz Mierzejewski |
... |
Vidéos
L’HISTOIRE
Acte I
Une tempête et des éclairs accompagnent le retour d'Otello après une bataille victorieuse. La tempête est un autre ennemi qu'il doit affronter. Les compagnons du valeureux commandant ne savent pas s'il survivra, mais Otello triomphe aussi de cet ennemi. Iago ne partage pas l'enthousiasme de la foule. Ce n'est pas lui qui a été promu capitaine, mais le jeune Cassio. Il décide de se venger du commandant. Roderigo, amoureux de Desdémone, la femme d'Otello, est entraîné dans l'intrigue. Tourmenté par un amour non réciproque, il succombe aux suggestions de Iago. Au milieu d'un joyeux brouhaha, Iago fait boire Cassio, puis provoque une dispute entre lui et Roderigo. Les combattants sont séparés par Montano, venu appeler Cassio pour monter la garde. Cassio, ivre, blesse Montano. Furieux, Otello rappelle les hommes à l'ordre. Cassio est rétrogradé. La dispute réveille Desdémone, qui rejoint Otello. Lorsque les amants sont seuls, ils se souviennent des débuts de leurs sentiments l'un pour l'autre. Otello est tourmenté car il ne sait pas si leur amour survivra. Desdémone rassure celui qu'elle aime : rien ne s'opposera à leur amour.
Acte II
Iago poursuit son intrigue avec raffinement, en jouant avec les émotions et les peurs de chacun. Il conseille à Cassio, dépité, de demander à Desdémone d'intercéder auprès d'Otello. Le jeune homme suit son conseil, mais Iago sème les graines de la jalousie chez Otello. Desdémone lui est-elle fidèle ? Les paroles de Iago tombent en terrain fertile. Desdémone, qui ne se doute de rien, demande la clémence pour Cassio. Pour Otello, cette demande est une trahison. Il la rejette furieusement. Desdémone, effrayée par sa colère, tente de lui mettre un foulard sur la tête, persuadée que son bien-aimé souffre d'une forte fièvre. Otello ignore ce geste. Pendant ce temps, Iago arrache le mouchoir des mains d'Emilia qui assiste à l'incident. Le cadeau de fiançailles d'Otello va devenir un accessoire prouvant son infidélité. Iago parvient à convaincre Otello qu'il a entendu Cassio prononcer le nom de Desdémone dans son sommeil et qu'il a vu son mouchoir sur lui. Otello jure de se venger.
Acte III
Le messager annonce une visite importante, mais Otello est trop occupé à penser à la trahison. Desdémone demande à nouveau la clémence pour Cassio. Otello l'interroge sur le mouchoir. La femme ignore la question et tente de revenir sur le cas de Cassio. Otello insulte Desdémone. Iago permet à Otello d'écouter la conversation entre lui et Cassio. Otello n'arrive pas à comprendre la discussion, mais il est convaincu que l'homme parle de sa liaison avec Desdémone. Cela est confirmé par le mouchoir que Iago a mis dans la main de Cassio… Lodovico apparaît avec des informations sur la rétrogradation d'Otello, qui est devenu trop puissant. Le titre de commandant en chef est donné à Cassio. Privé de tout soutien, Otello humilie publiquement sa femme. Il est à bout de forces. Iago triomphe.
Acte IV
Desdémone se souvient la romance du saule, une chanson qui a réconforté de nombreuses femmes avant elle et leur a permis d'accepter leur destin. Emilia s'éloigne lorsqu’Otello apparaît. Desdémone tente de le convaincre de son innocence, mais il l’étrangle. Le plan d'assassinat de Cassio échoue car Emilia révèle la vérité sur le complot orchestré par Iago. Désemparé, Otello se donne la mort.
En profondeur
Shakespeare, Boito et Verdi, ou les métamorphoses d'Otello
Lorsque Giuseppe Verdi entreprend de composer Otello au début des années 1880, il a près de trente opéras derrière lui, une réputation de grand compositeur en Europe et au-delà, et son soixante-dixième anniversaire approche. Il avait nourri le désir de composer Otello pendant des années, tout comme l'idée d'adapter musicalement d'autres drames de Shakespeare : Macbeth, Le Roi Lear ou Hamlet. Le compositeur est revenu toute sa vie aux œuvres de Shakespeare, dont il reconnaissait la qualité littéraire et le potentiel dramatique, et il a souvent exprimé cette fascination. Le retour à l'inspiration shakespearienne dans les dernières années de sa vie professionnelle, Verdi le doit à sa rencontre avec Arrigo Boito, un artiste extraordinaire, et en même temps fervent admirateur de son talent, le fils d'un peintre italien et de la comtesse polonaise Józefa Radolińska, poète, traducteur, compositeur et librettiste.
Verdi et Boito se rencontrent pour la première fois en juillet 1879 à Milan, grâce à Franco Faccia, alors chef d'orchestre à la Scala, qui connaît le futur auteur des livrets d'Otello et de Falstaff depuis sa scolarité. Les discussions, d’abord plutôt prudentes, aboutirent à ce que Boito s’engage à fournir à Verdi le texte achevé d'Otello sans aucune obligation de la part du maestro. Achevée en novembre, la première esquisse du livret fait forte impression sur le compositeur.
En juin 1881, en étroite collaboration avec le compositeur, Boito commence à mettre au point une version longue d'Otello. L'achèvement du nouveau livret prit beaucoup de temps : il fut prêt à la fin de l'été de l'année suivante. D’abord intitulé Iago, le texte a failli être écarté par Verdi. En mars 1884, l'un des quotidiens milanais (Il Pugnolo) publie des propos attribués à Boito, selon lesquels le poète voudrait lui-même mettre en musique le nouveau livret. L'article était un malentendu : le fragment de l'interview cité par le journal - qui provenait d'une revue publiée à Naples - déformait complètement les intentions de l'auteur, qu'il avait exprimées lors d'une conversation informelle avec Martino Cafiero, un journaliste napolitain.
Heureusement, le librettiste parvint à convaincre le compositeur qu'il s'agissait d'une erreur : une longue lettre passionnée, écrite le 19 avril 1884, indique clairement que Boito n'avait pas l'intention de rivaliser avec le Maestro et qu'il reconnaissait sans hésitation la suprématie de Verdi pour ce qui est de la composition. Verdi se laisse séduire ; sans aucun doute, il souhaite lui aussi mener à bien l'entreprise qui le fascine tant. Les nombreuses visites de Boito à la résidence du compositeur à Sant'Agata, ainsi que la très abondante correspondance qu'ils échangèrent pendant plusieurs mois, témoignent de la préoccupation persistante des deux artistes pour le futur chef-d'œuvre. Dans une lettre du 5 octobre 1885, Verdi informe son librettiste que l'opéra est terminé, même si, au cours des mois suivants, il apportera encore les dernières touches à la partition. Il prend également une décision pour le titre : il reste fidèle à l'intuition dramatique de Shakespeare, et Iago se voit retirer le statut de personnage titulaire au profit d'Otello.
Bien qu'Otello soit finalement achevé en 1886, l'œuvre doit encore attendre avant d'être mise en scène. Ce sont surtout les théâtres parisiens qui cherchent à avoir la priorité pour présenter le nouvel opéra. Verdi a toujours refusé ces offres. Conscient de la qualité suprême du texte de Boito, le compositeur tenait à ce qu'Otello soit chanté pour la première fois dans sa langue d'origine : l'italien. Il confie donc à la Scala de Milan la préparation de la première représentation. Dans sa correspondance avec le librettiste, il discute à plusieurs reprises des interprètes potentiels des rôles principaux d'Otello, de Iago et de Desdemona, pour finalement les confier à trois artistes qu'il connaît bien : Francesco Tamagno, Vittorio Maurel et Romilda Pantaleoni. En janvier 1887, Verdi arrive à Milan pour superviser lui-même les préparatifs. Il répète non seulement avec un orchestre de cent musiciens dirigé par Franco Faccio et un chœur aussi nombreux dirigé par Giuseppe Cairati, mais il travaille aussi avec les solistes, surveillant de près leurs aptitudes non seulement vocales, mais aussi théâtrales.
Selon l'une des anecdotes les plus célèbres au sujet du compositeur, lors d'une des répétitions de la première milanaise d'Otello, Verdi - alors âgé de soixante-quatorze ans - se jeta sur la scène pour montrer à l'interprète d’Otello comment jouer correctement sa mort. Les efforts minutieux de toute l'équipe donnent d'excellents résultats : la première, donnée dans la soirée du samedi 5 février 1887, est le grand triomphe incontesté de Verdi. Dans un long article publié le lendemain dans le Corriere della Sera, Enrico Panzacchi, professeur de beaux-arts à l'université de Bologne et critique musical, écrit : « Nous avons assisté à un spectacle que nous ne reverrons peut-être plus jamais. »
Extrait d'un article publié dans le programme d'Otello de Poznań Opera, écrit par Prof. Alina Borkowska-Rychlewska qui travaille au département de littérature romantique de l'Institut de philologie polonaise de l'Université Adam Mickiewicz et au Centre de recherche sur le théâtre musical de l'Université Adam Mickiewicz à Poznań.