Après avoir interrompu sa carrière suite à une performance traumatisante d’un opéra spécialement écrit pour elle, une chanteuse vieillissante prépare maintenant son retour. Partagée entre un rêve de scène et un rêve d'amour, cette femme pourra-t-elle atteindre son but ?
Véritable star de la pop, Rufus Wainwright s’est lancé pour la première fois dans l’opéra avec Prima Donna, hommage à l’opéra romantique. Nous y découvrons une diva autodestructrice, inspirée de Maria Callas. Il y a quelque chose de ridicule chez cette étoile fanée, mais celle-ci brillera toujours à travers notre admiration.
Distribution
Régine Saint Laurent | Elin Rombo |
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Marie | Beate Mordal |
Philippe | Jeremy Carpenter |
André Letourner | Conny Thimander |
François | Ruben Lundström |
Sophie von Faninal | Nadja Sjöström |
Orchestre | Royal Swedish Orchestra |
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Musique | Rufus Wainwright |
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Direction musicale | Jayce Ogren |
Mise en scène | Mårten Forslund |
Décors | Sabine Theunissen |
Lumières | Linus Fellbom |
Texte | Rufus Wainwright & Bernadette Colomine |
Concertmaster | Anders K Nilsson |
Costume & Make up | Jeanette Stener |
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Vidéo
L'histoire
Acte I
Au petit matin dans l'appartement parisien de Régine Saint Laurent. C'est le 14 juillet - la fête nationale française.
Régine (La Prima Donna) se réveille après une nuit de sommeil agitée. Sa nouvelle servante, Marie, lui parle de son mari violent et ivre, tandis que Régine agonise à l'idée de revenir sur scène après une pause de six ans. Elle parle du rôle de sa vie, Aliénor, la forte et puissante reine de France et d'Angleterre, dans un opéra écrit en son honneur alors qu'elle était au sommet de sa carrière.
Le majordome de Régine, Philippe, entre avec son assistant François. Philippe est contrarié de voir Régine et Marie ensemble alors que Régine a oublié de préparer une interview avec un journaliste. Après que Philippe a envoyé Régine se changer, François l'aide à préparer la rencontre. Philippe a la nostalgie des jours de splendeur et de gloire d'antan, qui ne sont plus qu'un lointain souvenir.
La sonnette retentit et annonce l'arrivée du journaliste, André Letourneur. Régine fait une entrée flamboyante.
Régine s'émeut lorsqu'André l'interroge sur Aliénor d'Aquitaine, sa toute dernière représentation. André l’admire depuis ses études de ténor au conservatoire, mais en face de lui, il voit quelque chose de plus qu’une légende. Il l'incite à reprendre sa carrière de chanteuse. Elle s'assoit au piano et ensemble, ils chantent le duo d'amoureux emblématique d'Aliénor d'Aquitaine. Alors qu’ils atteignent l'apogée de la passion, la voix de Régine se brise.
Philippe intervient, et tous s'accordent à dire que Régine a besoin de repos. André dit qu'il reviendra plus tard dans la soirée.
Un moment inattendu se produit entre Régine et André. Marie, qui s'est attardée dans la pièce, en est témoin. Avec un certain malaise, elle constate que Régine est soudainement rempli d’un nouvel espoir pour l'avenir.
Acte II
Soirée
Les préparatifs de la fête nationale sont en cours. Marie chante et se remémore la vie simple de sa maison en Picardie. Elle compare la naïveté de la jeunesse à la vie trépidante et matérialiste de Paris.
Alors qu'elle s'échauffe, Régine tente de comprendre ce qui a mal tourné pendant l'interview. Une fois seule, elle réussit à atteindre cette note aiguë tant convoitée. Mais elle échoue pourtant à chaque fois qu'elle tente de trouver et d'exprimer une émotion plus profonde. Afin de pouvoir chanter à nouveau Aliénor, ou tout autre rôle, elle devra écouter un enregistrement qu'elle n'a jamais osé entendre. Tourmentée par son manque de confiance et ses nerfs, elle pense à son passé. Finalement, en écoutant l’enregistrement légendaire, elle revit le moment où elle est a interprété le duo amoureux pour la première fois.
Le roi Henri II d'Angleterre d'Aliénor d'Aquitaine entre dans le jardin sous la forme d'André et déclare son amour pour la reine. Régine devient Aliénor et exécute la scène magique à la perfection. Puis Régine se réveille de ses rêveries, réalisant qu'elle ne peut pas répéter son succès d'antan et qu'elle ne reviendra plus jamais sur scène.
Le monde de Philippe s'effondre et il décide de disparaître de la vie de Régine. Au même moment, la sonnette annonce le retour de la journaliste.
André nous réserve une mauvaise surprise : il est fiancé et il a amené sa promise avec lui. André demande à Régine une dernière faveur : pourrait-elle signer son exemplaire d'Aliénor d'Aquitaine ?
La Prima Donna signe son dernier autographe, puis elle sort sur le balcon, seule, alors que le feu d'artifice du 14 juillet illumine le ciel.
En profondeur
Une étoile en chute libre
La prima donna, la diva, la star adulée. Son image est connectée au monde de la scène à travers les temps, en tant qu’artiste et en tant que personnage fictif. En tant que public, nous sommes attirés par son rayonnement, la perfection de ses expressions, par ses capacités surnaturelles. Mais nous sommes aussi fascinés par la hauteur de la chute de son piedestal, captivés par les sacrifices qu’elle doit faire et le prix qu’elle paie. La prima donna est un rôle dont on lui a fait don et dans lequel on l’a forcée, et elle est entourée d’une distributions d’acteurs de soutien: les fans dévoués et les détracteurs, les collègues et gérants, les critiques et agents ont chacun un rôle à jouer dans le spectacle qui maintient l’idée de la star exaltée.
L’opéra Prima Donna de Rufus Wainwright nous confronte à sa fascination avec la diva, la fonction qu’elle occupe dans nos vies en tant qu’icône, héroïne, modèle, confort et inspiration. Nous voyons aussi le monde de son point de vue, comment elle se doit de répondre aux attentes grandissantes qu’elle s’est imposée et aux attentes réelles et imaginaires que d’autres ont posées sur elle. Nous la rencontrons dans une série de situations entourée de gens qui se donnent à des hiérarchies absurdes et des structures établies et qui, à leur tour, essaient de remplir leur rôle.
Notre prima donna, Régine Saint Laurent, est une star en chute libre. Elle a dévoué sa vie à l’opéra: tout ce qu’elle sait et veut faire est de pratiquer son art. Le chant et le théâtre sont son identité entière. Quand on lui enlève, elle perd tout. Nombreux d’entre nous peuvent se reconnaître dans son destin, de façon exacerbée pendant la pandémie qui a frappé le monde, par laquelle tellement d’opportunités professionnelles et de contacts sociaux ont été arrachés, emportant une large part de notre identité.
Pour Régine, les attentes deviennent une prison et sa perte d’identité un trou noir. Mais au fond de ce chaos, elle sent une opportunité de se libérer de son rôle, voit une lumière briller à travers un rideau lourd. Et son acte de résistance crée une réaction en chaîne permettant au théâtre de craquer.
Ici, la situation de la diva devient un miroir nous permettant de nous découvrir , et un modèle pour le façonnage de notre propre identité. Pour créer un rôle qui peut être le héro de son propre drame.
Cela explique peut-être pourquoi, pour plusieurs d’entre nous, elle est un saint patron et une icône. Elle est victime et héroïne, être humain et déesse. Et, comme nous tous, grandiose.
Mårten Forslund, metteur en scène