Charlotte n’a épousé Albert que par devoir, mais continue d’aimer Werther sans se l’avouer, et surtout sans le lui dire. Le jeune homme désespère de voir ses avances repoussées et ne pourra goûter à l’amour que la jeune femme viendra lui confesser trop tard.
Adapté du roman épistolaire de Goethe, l’opéra Werther de Jules Massenet est un trésor du répertoire lyrique français. L’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie reprend la mise en scène sobre et élégante de Bruno Ravella – dont nous avons récemment profité du Rosenkavalier sur OperaVision – et invite la célèbre contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux à interpréter Charlotte pour la première fois, aux côtés d’une distribution jeune et presque exclusivement francophone dirigée par Jean-Marie Zietouni.
Distribution
Werther | Mario Chang |
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Charlotte | Marie-Nicole Lemieux |
Albert | Jérôme Boutillier |
Le Bailli | Julien Véronèse |
Sophie von Faninal | Pauline Texier |
Schmidt | Yoann Le Lan |
Johann | Matthias Jacquot |
Kätchen | Emma de La Selle |
Brühlmann | Léo Thiéry |
Maid | Lisa Martin |
Children | Gabriel Bertrand, Marina Gallant, Charlotte Gleize, Naomi Renoir, Brunelle Sauvegrain, Nina Sauvegrain |
Chœurs | Chœur Dames Opéra national Montpellier Occitanie |
Orchestre | Orchestre national Montpellier Occitanie |
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Musique | Jules Massenet |
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Texte | Édouard Blau, Paul Milliet, Georges Hartmann |
Direction musicale | Jean-Marie Zeitouni |
Mise en scène | José Darío Innella, original staging by Bruno Ravella |
Décors | Leslie Travers |
Lumières | Linus Fellbom |
Costumes | Leslie Travers |
Assistant(e) à la mise en scène | Diane Clément |
Production manager | Xavier Bouchon |
Régisseurs de scène | Mireille Jouve, Anaïs Pélaquier |
Régisseuse du chœur | Maya Lehec |
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Vidéo
L'histoire
Act I
At his home in the Hessian town of Wetzlar, the bailiff tries to teach his youngest children a Christmas song. His two drinking buddies, Johann and Schmidt, are amused at his struggle to practice Christmas songs in the middle of summer. The bailiff informs them that his eldest daughter, Charlotte, is getting ready for the evening's ball, and that the young poet Werther is to accompany her as Charlotte's fiancé, Albert, is away on business.
Arriving at the bailiff’s house, Werther is overwhelmed by the glorious summer day and pays tribute to nature through poetry. He is interrupted by the sound of children: it is Charlotte who is hurrying to give her young siblings supper before she leaves for the evening’s entertainment. Werther is completely captivated by what he sees. The bailiff says that he has become a widower, and that it is Charlotte who takes care of the children and the house now that her mother is dead.
After Werther and Charlotte have left for the ball, Albert suddenly arrives after having been away from town for six months. He is disappointed that Charlotte is not at home but asks Sophie, the bailiff’s second daughter, not reveal that he is back: he wants it to be a surprise for everyone the next day.
After Werther and Charlotte return from the ball, Werther confesses his love for her. But he becomes full of despair when Charlotte tells him what she promised her mother on her deathbed: that she must take care of the family and marry Albert.
Act II
It is a brilliant and sunny Sunday, and Albert and Charlotte have been married for three months. Together with other guests, they flock to the church to celebrate the golden wedding day of the pastor.
Werther observes Charlotte and her husband from a distance and he mourns the loss of what he has decided is the great love of his life. Albert tells Werther that he understands his despair and forgives him. Werther lies to Albert that he now sees Charlotte as nothing more than a good friend.
The two men are interrupted by the fun-loving Sophie who declares that as the air is full of merriment she’d like to celebrate and have the first dance with Werther. But Werther retires, ashamed at having lied to Albert about his love for Charlotte. When Charlotte arrives, Werther again declares his passion for her.
Charlotte, a little distraught, repeats that she must follow her duty and that she belongs to another. She demands that Werther leave town, but weakens and asks him to come back later, at Christmas time. Werther states that he will never return again.
Act III
Autumn has turned to winter, and on Christmas Eve Charlotte reads all the letters from Werther with despair and overwhelming emotion. Sophie tries to cheer her big sister up, but to no avail.
Werther suddenly arrives, and he and Charlotte exchange memories of the time before they were separated. Werther quotes from a passionate poem he was in the process of translating. The meeting is intense, but Werther leaves Charlotte abruptly.
Albert comes home and tells Charlotte he has heard from townsfolk that Werther has been visiting her. He also shows her a letter he has just received from Werther: ‘I'm going on a long journey. Will you lend me your guns?’ Charlotte senses a terrible looming tragedy and rushes away.
Act IV
That night, Charlotte makes her way to Werther’s house. In his room, she finds him wounded, but he forbids her to fetch for help. They finally embrace and she declares her love for him before he dies in her arms.
En profondeur
Entretien avec Marie-Nicole Lemieux
Propos recueillis par Benjamin François
Vous voilà incarnant Charlotte, fille aînée du bailli, 20 ans (félicitations !), fiancée puis mariée à Albert, amante de Werther : un personnage positif et rayonnant par excellence. Comment appréhendez-vous ce nouveau rôle, si riche émotionnellement ?
Marie-Nicole Lemieux : Il y a trois rôles que je rêvais d’incarner – Dalila, Charlotte et Carmen – et Charlotte était le dernier d’entre eux. Cela a été très long avant que la voix soit mature pour le faire, car Charlotte est écrit dans une tessiture plus aiguë que Carmen qui chante en définitive assez souvent dans le medium. C’est donc très bien que je l’aborde maintenant – à vingt ans (rires !) – avec une assise solide en considérant ma voix depuis toujours comme un instrument, et non comme quelque chose de fixé dans le marbre. Cela me permet tout simplement de m’adapter.
Pour ce qui est de l’opéra, Werther est un de mes opéras favoris. Durant mes études au conservatoire, c’est le seul que j’ai écouté au moins trois fois avec la partition en mains, par pur plaisir du sens dramatique. Ce qui me touche en Charlotte, c’est avant tout sa grande humanité. C’est un personnage réel, je la comprends totalement par ses valeurs, par son côté maternel, son affection filiale et cette force tranquille qui attire Werther malgré elle. Autant de qualités qui me touchent réellement. Cela rejoint ce matriarcat que nous avons au Québec, je repense à ma mère, à ces femmes rayonnantes de joie et en même temps très solides, conscientes de leurs devoirs. Alors oui, je me suis toujours sentie très proche de Charlotte. Je la comprends dans ses tourments, dans son amour pour Werther, et en même temps dans son incapacité à vivre avec le poids de sa décision. En quittant cette terre, Werther n’en sera que davantage l’idéal masculin pour Charlotte, son fantasme suprême de ce qui aurait pu être.
Avec Karina Gauvin et douze autres grandes voix québécoises, vous avez participé à l’ambitieux projet du label ATMA Classique d’enregistrer l’intégralité de l’œuvre de Jules Massenet, soit plus de 300 morceaux ! Mais j’imagine que vous aviez abordé les grands airs de Charlotte bien avant ?
Évidemment, l’Air des lettres et Va, laisse couler mes larmes, je les chante depuis mes études au conservatoire. C’est tout le reste, les grandes scènes ou les airs qu’on entend plus rarement qu’il me restait à acquérir. En revanche cela a été très complémentaire de pouvoir participer à cette formidable intégrale Massenet, ces vingt-neuf mélodies, duos, trios (avec Karina Gauvin et Julie Boulianne, vous imaginez le trio de luxe !) et quatuors magnifiques (comme le cycle Chansons des bois d’Amaranthe) m’ont fait tenir artistiquement pendant la pandémie et m’ont permis d’aimer encore plus Massenet. Et donc de le comprendre encore mieux comme compositeur. À la lumière de ce répertoire en partie inédit, je redécouvre donc un Werther amoureux, sensible et mystique à la fois, servi par un grand compositeur qui sait traiter la voix comme il faut.
Justement, la vision précise que vous avez de son œuvre vous permet-elle de dire que Massenet a traité musicalement et vocalement son Werther différemment de ses autres opéras ?
Oui, car Massenet a toujours très exactement su ce qu’il voulait. Quand on consulte une partition de Massenet, je dirais presque que Verdi se rapproche de lui dans ses désirs : c’est la même exigence envers ses interprètes, car il note absolument tout. Dans les deux seules pages de l’air Va, laisse couler mes larmes, il note un maximum d’indications au chanteur et c’est un tour de force d’arriver à respecter toutes ces annotations. Et comme je suis plutôt « bonne élève » avec un respect total pour la partition, je suis souvent insatisfaite par certaines versions peu soucieuses de ces indications. Massenet est très exigeant sur ce point, et quand on fait tout ce qui est écrit, cela fonctionne parfaitement. Peut-être n’avait-il pas entièrement confiance en ses chanteurs ? Et je constate enfin que Massenet devait aimer passionnément les voix féminines, il n’est qu’à penser à Charlotte, Manon ou Cendrillon !
Admettons que leur amour ait pu se concrétiser : pourriez-vous imaginer une suite à leur relation ? Dans ce cas, avec une issue positive, négative ?
J’y ai déjà pensé, figurez-vous, une fin heureuse où Albert se marie avec Sophie, et où Charlotte se marie avec Werther ! Mais il y a plusieurs options : il est certain pour moi que la version serait plus heureuse si l’opéra se déroulait de nos jours. Tout le monde ferait une thérapie, Werther prendrait ses médicaments, Charlotte ferait une thérapie sur sa gestion de la culpabilité, et tout rentrerait dans l’ordre ! Mais si nous restons au 19e siècle, c’est très différent : je pense qu’ils partiraient ensemble, mais je crois que Charlotte se sentirait terriblement coupable au bout d’un certain temps par rapport à sa mère. Ce serait très judéo-chrétien de sa part, mais c’est un trait de caractère très présent dans les personnages féminins de ce siècle. Elle l’évoque à plusieurs reprises dans l’opéra : elle n’aurait pas été capable de supporter le poids de la culpabilité. Or comme Werther n’est pas un être stable, je pense qu’une fin heureuse est impossible dans ces conditions, et Charlotte aurait fini comme Clara Schumann à rendre visite à son Robert à l’institut psychiatrique d’Endenich. Le prix à payer aurait été très lourd pour Charlotte.