Albert Herring
Opera North

Albert Herring

Britten
Diffusé le Disponible jusqu'au Enregistré le
Chanté en
anglais
Sous-titres en
anglais

Le village de Loxford est à la recherche de sa Reine de Mai (la personnification de l'innocence printanière), mais toutes les candidates sont jugées moralement inaptes. Désespérés, les habitants décident qu'un Roi de Mai fera l'affaire. Ils choisissent l'irréprochable Albert Herring du magasin de fruits et légumes. Il n'est pas très enthousiaste mais obéit à sa mère et fait ce qu'on lui dit. Mais après une limonade au rhum lors de la cérémonie du 1er mai, Albert disparaît... le chaos s’aggrave. 

Eric Crozier, le librettiste de l'opéra, s'est inspiré de la nouvelle de Maupassant Le Rosier de madame Husson, qu’il a transformée en une comédie typiquement anglaise. La musique de Britten dépeint les habitants avec un esprit satirique et acerbe, mais aussi avec une certaine affection pour un mode de vie disparu. Opera North présente cette production exquise dans l'intimité de la Howard Assembly Room, un lieu idéal pour la mise en scène de Giles Havergal qui situe l'action dans le milieu du vingtième siècle, comme le veut le livret, avec pulls en laine et chemisiers vichy. L'excellent ensemble comprend quelques étoiles montantes déjà vues sur OperaVision, dont Dafydd Jones dans le rôle-titre et Katie Bray (Nancy), qui nous a récemment ébloui dans Il barbiere di Siviglia au Garsington Opera.

DISTRIBUTION

Albert Herring
Dafydd Jones
Lady Billows
Judith Howarth
Mrs Herring
Claire Pascoe
Florence Pike
Heather Shipp
Mr Gedge
William Dazeley
Mr Upfold
Paul Nilon
Miss Wordsworth
Amy Freston
Surintendant Budd
Richard Mosley-Evans
Sid
Dominic Sedgwick
Nancy
Katie Bray
Emmie
Rosa Sparks
Orchestre
Orchestra of Opera North
...
Musique
Benjamin Britten
Texte
Eric Crozier
Direction musicale
Garry Walker
Mise en scène
Giles Havergal
Collaboration à la mise en scène
Elaine Tyler-Hall
Décors et costumes
Leslie Travers
Lumières
John Bishop
Mouvements
Tim Claydon
...

Vidéo

Extrait

Begging your pardon, I'd like to say...

...quelqu'un a-t-il entendu parler d'un Roi de Mai ?

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L’HISTOIRE

Acte I

Le vicaire M. Gedge, l'institutrice Mlle Wordsworth, le commissaire de police M. Budd et le maire de Loxford M. Upfold se réunissent chez Lady Billows pour discuter de l'élection de la Reine de mai de cette année. Florence Pike, la gouvernante de Lady Billows, écarte de nombreuses filles qu'elle juge moralement inaptes. Finalement, l'idée d'un Roi de mai est proposée et acceptée. Le candidat suggéré est Albert Herring qui, avec sa mère, tient l’épicerie locale.

Sid, qui travaille à la boucherie, rencontre Albert à l’épicerie. L'arrivée de Nancy, la petite amie de Sid, rend Albert nerveux et mal à l'aise. Plus tard, le comité passe à la boutique pour informer Albert de son élection en tant que Roi de mai. Albert est indifférent à cet honneur et à la récompense de 25 livres sterling qui va avec. Sa mère, en revanche, est ravie.

Acte II

Lors du festival de mai, Sid et Nancy mélangent la limonade d'Albert avec du rhum. Il est couronné Roi de mai et, bredouillant tant bien que mal son discours d'acceptation, est pris de hoquets à cause de la boisson.

Plus tard dans la soirée, Albert rentre chez lui. Il est ravi de son succès et des effets de la boisson. En entendant Sid et Nancy parler de lui à l'extérieur du magasin, il envisage la vie au-delà des limites de son existence actuelle. Il tire à pile ou face s’il doit sortir et s'amuser. Lorsque sa mère revient, elle n'entend aucun bruit et en conclut qu'Albert doit être déjà endormi.

Acte III

Le lendemain après-midi, Albert n'est toujours pas revenu et l'on suppose qu'il a été victime d'un accident mortel. Sa réapparition bouleverse ceux qui pleurent prématurément sa mort. Albert décrit brièvement sa nuit de débauche. Enfin, il affronte sa mère et affirme son indépendance.

EN PROFONDEUR

D'Isidore à Albert

Simon Rees nous explique comment le livret d'Eric Crozier pour Albert Herring a transposé la nouvelle de Guy de Maupassant, Le Rosier de Madame Husson, de la Normandie du 19ème siècle au Suffolk du 20ème siècle.
 

Les opéras de Benjamin Britten sont adaptées de diverses formes littéraires : la poésie narrative pour Peter Grimes, les pièces de théâtre pour Le Viol de Lucrèce, L’Arche de Noé, La Rivière aux courlis et Le Songe d’une nuit d’été, et les nouvelles (certaines plus courtes que d'autres) pour Albert Herring, Billy Budd, Le Tour d’écrou, Owen Wingrave et Mort à Venise. La fiction courte, qu'il s'agisse de nouvelles ou de novellas (par opposition au roman à trois volumes), a constitué une riche source de livrets d'opéra, dont certains aux structures inhabituelles comme Carmen, La Dame de pique ou Cavalleria rusticana adaptés des classiques du genre.

L'histoire de Maupassant, Le Rosier de Madame Husson, se déroule à Gisors, à 70 kilomètres au nord-ouest de Paris, dans la région normande du Vexin. Publié en 1887, il décrit comment Madame Husson, elle-même modèle de vertu, cherche à récompenser la chasteté à Gisors en couronnant une « rosière » parmi les jeunes filles de la ville. Mais aucune ne convient à Madame Husson et celle-ci décide donc de donner la couronne à l'idiot du village, Isidore, qui dépense ses gains en alcool et finit par devenir l'ivrogne de la ville.

L'histoire de Maupassant commence par un voyage retardé, une rencontre avec un vieil ami, le docteur Marambot, qui est à la fois loquace et hospitalier, et une rencontre avec le malheureux ivrogne dont l'apparition est le début d’un récit sur comment les ivrognes du coin ont reçu le surnom de « Rosier de Madame Husson ». À la fin, nous apprenons que le pauvre Isidore est mort d'un delirium tremens et que le Dr Marambot a fermé les yeux. L'histoire s'égare ensuite dans des anecdotes plus locales et se termine, comme on pourrait le dire, de manière peu concluante.

Isidore n'est pas Albert, Madame Husson n'est pas Lady Billows et Gisors n'est pas Loxford, bien que ces trois personnages soient suffisamment proches pour que l'adaptation de l'histoire de Maupassant par Eric Crozier soit une transformation et non une parodie. Cependant, l'évolution de la moralité et le développement du personnage d'Albert s'inscrivent dans la lignée de ce que Britten avait déjà réalisé avec Peter Grimes et de ce qu'il allait réaliser avec Billy Budd. La mise en scène d'un marginal en opposition à une communauté stable et étouffante qui fait de son mieux pour l'exclure est la clé de la plupart des opéras de Britten. Elle est présente dès le début dans Paul Bunyan, l'« éternel invité », et comme Britten l'a lui-même reconnu, Auden et sa vision poétique ont été à l'origine d'une grande partie de son écriture.

Eric Crozier décrit dans sa préface au livret comment Britten et lui en sont venus à concevoir Albert Herring en 1946 comme une pièce complémentaire à The Rape of Lucretia (Le Viol de Lucrèce). Ils décidèrent de déplacer le décor dans le type de ville du Suffolk qu'ils connaissaient le mieux, le Loxford de l'opéra étant basé sur Yoxford, entre Snape et Peasenhall. Isidore, le commis d’épicerie simplet, devient le pas-si-simple Albert, toujours dans le magasin de sa mère, et nommé d'après un commerçant local de Tunstall, non loin de là. La biographie de Britten écrite par Humphrey Carpenter en 1992 explique en détail l'origine des noms : Lady Billows, du nom de l'agent du Conseil des arts Lionel Billows, Harry (l'un des « enfants fatigants du village »), de la gare de Harold Wood, Mr Gedge, d'un ami ecclésiastique de Crozier.

La description d'Albert dans la liste des personnages marque le contraste avec Isidore et, d'une certaine manière, rapproche le portrait de Britten lui-même : « Il n'est pas idiot, mais le mélange d'intimidation méprisante et d'adoration de sa mère l'a rendu extrêmement timide et maladroit - en particulier lorsqu'il est confronté à des personnes ou des situations étranges ». Le traitement réservé par Mme Britten à son fils (le quatrième des « B », après Bach, Beethoven et Brahms, selon elle) et le souhait apparent de Britten de se retirer dans l'obscurité (il a un jour caressé l'idée de rester à Long Island et d'aider son ami David Rothman à tenir son magasin) sont tous esquissés dans ce livre.

La différence, bien sûr, c'est qu'Albert vit pour triompher des tentations du monde, qu'il goûte lors de son épique tournée des bars entre les actes deux et trois. Il était parti à la recherche de ce que le livre de prières interdisait, et n'a finalement pas beaucoup aimé cela - « ce n'était pas très amusant » - et n'a en fait gaspillé que trois livres sur les 25 souverains qu'il avait gagnés. C'est avec une grande satisfaction qu'il réussit à faire entrer Lady Billows dans une colère noire, choquant les respectables habitants de la ville, mais nous laissant soupçonner qu'il pourrait y avoir eu plus qu'une simple virée dans un pub. Tous ces sifflements ... toutes ces pêches ... « connaissances ... masculines ... et féminines » …

Isidore ne parvient jamais à formuler ses frustrations, et Albert ne parvient qu'à révéler partiellement la cause de son « explosion sauvage » - trop de caresses, trop de coton. Tout ce qu'il veut maintenant, c'est se mettre au travail, « car je suis à la traîne ». Mais lorsque Crozier plonge au plus profond des possibles horreurs qui se cachent derrière la disparition d'Albert, dans la magnifique thrénodie (lamentation), l’ensemble final où toute la communauté est confrontée à la perspective de la mort et de la perte, il crée quelque chose qui n'existe pas dans l'histoire de Maupassant, en dépit de son propre rejet et son autodérision : « Ce n'est pas de la poésie ». Nous sommes d’un autre avis…