

Lorsqu’une jolie jeune femme de la campagne morave doit faire face à une grossesse imprévue, elle réalise combien l’amour est parfois superficiel.
Asmik Grigorian, qui interprète Jenůfa pour ses débuts à Covent Garden, et Karita Mattila, qui incarne Kostelnička, sont les têtes d’affiche de cette production dirigée par le chef d'orchestre hongrois Henrik Nánási. La partition étonnante est imprégnée de mélodies folkloriques traditionnelles de la Moravie natale de Janáček. En créant un espace à la fois ouvert et confiné, Claus Guth signe une mise en scène aussi élégante qu'oppressante et révèle avec brio la profonde humanité qui réside au cœur de l'opéra.
Distribution
Jenůfa | Asmik Grigorian |
---|---|
Kostelnička Buryjovka | Karita Mattila |
Laca Klemeň | Nicky Spence |
Števa Buryja | Saimir Pirgu |
Grandmother Buryjovka | Elena Zilio |
Foreman | David Stout |
Mayor | Jeremy White |
Mayor's Wife | Helene Schneiderman |
Karolka | Jacquelyn Stucker |
Herdswoman | Angela Simkin |
Barena | April Koyejo-Audiger |
Jano | Yaritza Véliz |
Chœurs | Royal Opera Chorus |
Orchestre | Orchestra of the Royal Opera House |
... |
Musique | Leoš Janáček |
---|---|
Direction musicale | Henrik Nánási |
Mise en scène | Claus Guth |
Décors | Michael Levine |
Lumières | James Farncombe |
Costumes | Gesine Völlm |
Texte | Leoš Janáček |
Concert Master | Vasko Vassilev |
... |
Vidéo
L'histoire
Jenůfa cache à tout le monde qu'elle est enceinte de Števa, qui boit et court les jupons. La belle-mère de Jenůfa, Kostelnička, a eu un mari violent et alcoolique et dit à Števa qu'il ne sera pas autorisé à épouser Jenůfa s'il ne reste pas sobre pendant un an. Le comportement autoritaire de Števa envers Jenůfa met en colère Laca, jaloux et épris de Jenůfa. Lorsque Jenůfa défend Števa, Laca devient furieux. Ils se battent et il entaille le visage de Jenůfa avec un couteau.
Quelques mois plus tard, Kostelnička et Jenůfa conspirent pour garder sous silence la naissance du bébé illégitime de Jenůfa. Števa sait qu'il a un fils, mais refuse d'épouser Jenůfa maintenant qu’elle est défigurée. Laca propose de sauver l’honneur de Jenůfa et de l'épouser, mais ne souhaite pas prendre à sa charge l'enfant de Števa. Kostelnička annonce à Laca et à Jenůfa que le bébé est mort pendant que Jenůfa dormait. Mais le jour du mariage de Jenůfa, la vérité est révélée.
En profondeur
Une histoire universelle
Claus Guth, le metteur en scène de Jenůfa, en conversation avec la dramaturge Yvonne Gebauer
(Version raccourcie d'une discussion plus complète disponible dans le programme de la production de Royal Opera House)
Yvonne Gebauer : Vous avez dirigé un peu plus de cent opéras, mais aucun de Janáček auparavant. Qu'est-ce qui vous intéresse dans sa musique ?
Claus Guth : Le style de Janáček est minimaliste dans le sens où il n'articule que ce qui est nécessaire pour produire un maximum d'émotions. Cela me semble très moderne, très contemporain. Je suis également très intéressé par l'usage intensif que fait Janáček, dans son texte comme dans la musique elle-même, de l'insistance et de la répétition pour faire monter la tension en permanence. Cela renverse complètement le cliché selon lequel ses œuvres sont des représentations purement naturalistes de la réalité.
YG : Comment devons-nous comprendre Jenůfa ? Est-ce un Milieustück, un drame sur une communauté spécifique ?
CG : Pendant les répétitions, nous avons remarqué à plusieurs reprises que les chanteurs et les membres de l'équipe de production se heurtaient à des thèmes qu'ils reconnaissaient dans leur propre vie. Un exemple particulièrement frappant étant ces sortes d'impulsions répétitives que l'on retrouve dans certaines histoires familiales. Une fois qu'un problème ou un défaut s'est manifesté, il semble inéluctable que ce même problème se transmette de génération en génération, comme une malédiction familiale. C'est comme si toute la force et la frénésie que nous mettons en œuvre pour le bloquer le faisaient naître. C'est une notion intéressante, qui est profondément ancrée dans cet opéra.
Malgré toutes nos opinions libérales et éclairées, nous sommes continuellement confrontés au fait que, quelle que soit la direction que nous prenons plus tard, nous sommes façonnés par un code moral préexistant qui nous dit ce qui est bien et mal et comment nous devons vivre nos vies. Jenůfa illustre comment l'énorme pression sociale qui nous pousse à nous conformer peut entraîner la chute d'un outsider, de quelqu'un qui se tient en dehors de la norme. Le personnage de la Kostelnička en est un bon exemple. Parce que beaucoup de choses ont mal tourné pour elle dans sa vie antérieure, elle essaie de contourner les règles, allant jusqu'à commettre un meurtre.
YG : On pourrait donc dire que, tout en racontant une histoire très claire et réaliste, l'opéra fonctionne aussi comme une parabole, regardant à l'extérieur et au-delà de lui-même.
CG : C'est le cœur de notre interprétation. Tout en appréciant l'ambiance et la musique de l'opéra, nous voulons aussi que le public réalise l'universalité de l'histoire.
YG : Le roman Její pastorkyňa (Sa belle-fille) de Gabriela Preissová a inspiré Jenůfa de Janáček. Que nous apprend-il sur l'histoire de la Kostelnička ?
CG : En tant que jeune femme, la Kostelnička avait de grands espoirs pour l'avenir. Elle était très intelligente et se distinguait toujours de la foule. À un moment donné, elle est tombée amoureuse de Tóma, le fils de Buryjovka, et était totalement convaincue que, grâce à lui, sa vie aurait un sens. Mais ses espoirs tombent à l’eau lorsque Tóma épouse une autre femme, avec laquelle il a un enfant. Puis sa femme meurt. La Kostelnička devient la belle-mère de l'enfant et la seconde épouse de Tóma, un ivrogne invétéré qui dilapide tout son argent avant de finalement périr dans un accident.
Après avoir reçu la charge de sacristain (Kostelnička), elle devient une autorité morale irréprochable dans le village. Au moment où s'ouvre l'opéra, son principal objectif dans la vie est d'empêcher sa belle-fille de commettre les mêmes erreurs qu'elle. Mais Jenůfa est tombée amoureuse de Števa et l'histoire commence à se répéter...
YG : Comment Jenůfa est-elle désignée comme une outsider (personne en marge) dans l'opéra ?
CG : Dès le début, elle refuse d'accepter les règles dominantes, par exemple en ne suivant pas le rythme quotidien du travail, ou en s'occupant de questions intellectuelles, ou en apprenant à Jana à lire et à écrire. On sent bien que Jenůfa est prête à aller dans le sens d'un nouveau type de société.
YG : Quel est le rôle de la scénographie dans cette production de Jenůfa ?
CG : Quand on regarde l'œuvre de près, il est clair que chaque acte, tout en dépeignant le changement des saisons, possède également son propre langage musical ainsi que son propre thème. Cela s'explique en partie par le fait que la composition des actes I et II est séparée par plusieurs années. C'est de là qu'est née notre décision de créer une atmosphère distincte pour chacun des actes.
Pour l'acte I, la question la plus importante était de savoir comment représenter le motif musical persistant de Janáček, la roue de moulin. Nous avons choisi de l'interpréter non pas littéralement mais métaphoriquement, comme la roue du système, la répétition sans fin et l'uniformité immuable de la vie quotidienne. C'est un système qui est ritualisé et structuré de manière rigide. Mais dès qu'un rouage cesse de tourner dans un tel système, tout s'arrête. Ce rouage cassé, c'est Jenůfa.
Notre scénographie représente un microcosme, entièrement clos par des murs. Ce monde contient tout ce qui constitue l'expérience quotidienne : un lit pour dormir, une table pour manger, un uniforme pour travailler, etc. À l'extérieur de ces murs se trouve l'Autre inconnu, un endroit impossible, via lequel il sera peut-être possible de s'échapper un jour. Nous avons cherché à résumer ces idées dans le tableau final, où la voie vers un autre monde s'ouvre pour Jenůfa et Laca, entraînant une rupture avec l'ancien système.
Galerie















