Orphée chante sa traversée des enfers à la poursuite de sa femme Euridice, surmontant tous les obstacles grâce à la puissance de sa voix. Il la retrouve mais la perd à nouveau. Combien de temps pleure-t-on un être cher ? Combien de temps entendons-nous l'écho de sa voix après son départ ?
En 1607, Claudio Monteverdi crée son Orfeo pour l'ouverture du carnaval au théâtre de la cour du duc Vincenzo Ier à Mantoue. Présentée comme une « fable en musique », cette œuvre est une nouvelle forme de spectacle où les personnages prennent vie et expriment des sentiments humains poignants. La puissance dramatique d'Orfeo a donné naissance à ce que nous appelons aujourd'hui l'opéra. Comme lors de la représentation originale dans un espace intime à Mantoue, les chanteurs et les musiciens sont très proches dans la production de l'été 2022 de Garsington: les instrumentistes font partie de l'action, sur scène et visibles. Laurence Cummings, spécialiste de la musique ancienne, dirige les musiciens de The English Concert. Arielle Smith signe les chorégraphies des chanteurs et des danseurs. Le chœur est constamment présent et essentiel à la narration. Accueillie avec enthousiasme par le public et la critique, cette soirée rend justice au génie de Monteverdi et à sa faculté de saisir la condition humaine à travers la musique, le mouvement et le chant.
DISTRIBUTION
Orfeo | Ed Lyon |
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Messagère | Diana Montague |
La Musica | Claire Lees |
Espérance (La Speranza) | Laura Fleur |
Euridice | Zoe Drummond |
Caronte | Frazer Scott |
Pluton | Ossian Huskinson |
Perséphone | Lauren Joyanne Morris |
Nymphe | Anna Cavaliero |
Chœur de nymphes et de bergers | Georgia Mae Bishop Florian Panzieri David Horton Richard Pinkstone Dafydd Jones Philippe Durrant Michael Bell Joe Chalmers |
Esprits de la danse | Amber Doyle (Dance Captain) Maddy Brennan Benjamin Derham Annie Joy Edwards Cameron Everitt Emily Gunn |
Chœurs | Chœur de Garsington Opera |
Orchestre | The English Concert |
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Musique | Claudio Monteverdi |
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Texte | Alessandro Striggio |
Direction musicale | Laurence Cummings |
Mise en scène | John Caird |
Décors et costumes | Robert Jones |
Lumières | Paul Pyant |
Chorégraphie | Arielle Smith |
Assistant(e) direction musicale | Christopher Bucknall |
Assistant·e mise en scène | Rebecca Meltzer |
Chef de Chœur | Jonathon Cole-Swinard |
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Vidéo
L'HISTOIRE
Prologue
La musique impose le silence pendant qu'elle raconte l'histoire d'Orphée, le fils d'Apollon, dieu de la musique.
Acte I
Des fêtards célèbrent les noces d'Orphée et d'Eurydice.
Acte II
Orphée se réjouit de son union avec Eurydice. Une messagère arrive avec une terrible nouvelle : Eurydice a succombé à la morsure d’un serpent. Orphée se désespère, puis décide de sauver Eurydice en la ramenant des enfers.
Acte III
L'Espérance accompagne Orphée jusqu'à la porte des enfers, gardée par Charon. Au début, la musique d'Orphée ne parvient pas à charmer Charon, mais celui-ci finit par s'endormir et Orphée peut passer devant lui.
Acte IV
Proserpine, reine des enfers, est émue par la musique d'Orphée et supplie Pluton, roi des enfers, de libérer Eurydice. Pluton accepte, à condition qu'Orphée ne lui adresse pas la parole et ne se retourne pas et ne lui adresse pas le moindre regard sur le chemin du retour. Au cours de leur voyage, Orphée doute qu'Eurydice soit réellement derrière lui et ne peut s'empêcher de se retourner pour la regarder. Eurydice lui est enlevée pour la deuxième fois et Orphée est contraint de retourner dans son monde.
Acte V
Submergé de chagrin, Orphée renonce à toutes les femmes. Son père, Apollon, le prend en pitié et lui offre une vie aux cieux, où il pourra jouer de la musique pour l’éternité.
En profondeur
Une grande fusion de traditions musicales
Monteverdi a-t-il inventé l'opéra ? Techniquement, non ; en pratique, oui. L'opéra n'existait que depuis une décennie lorsque le compositeur a produit Orfeo en 1607, et il a été le premier à perfectionner cette forme. En 1600, la théorie du drame musical s’était consolidée. Depuis des décennies, des érudits progressistes, dont Vincenzo Galilei, le père de Galilée, exhortaient les compositeurs à abandonner les arcanes du contrepoint au profit d'un style plus expressif et à une seule voix. Les pionniers de l'opéra florentin ont façonné une méthode de chant récitatif qui permettait d'exposer l'intrigue entre les arias. Mais les premiers opéras manquaient d’élan narratif : au bout d’un moment, les récitatifs devenaient fatigants. Monteverdi, qui écrivait déjà des scènes quasi-opératiques sous forme de madrigaux, a électrisé le genre par la force de sa personnalité. Des lignes mélodiques expansives, des sauts d'intervalles imposants, des contrastes rythmiques aigus, des changements d'accords abrupts, des dissonances mordantes, des basses errantes et inquiétantes - tout cela exprime la violence des émotions d'Orphée lors de sa descente aux enfers.
Les lignes vocales sont typiques de l'époque, avec des ornements qui se déploient en intervalles étroits, mais la musique évolue à un rythme inhabituellement mesuré et méditatif. Des couples d'instruments jouent des gammes ascendantes et descendantes spectrales, la seconde partie résonne en écho. La harpe se fait elle-même écho. Monteverdi relâche son emprise sur le récit et se plonge dans la condition de son personnage. C'est l'opportunité offerte par la structure en longueur de l'opéra, qui dure toute la soirée. L'horloge ralentit ; l'horizon s'élargit : nous nous promenons dans le monde intérieur d'Orphée.
L’écho que trouve Monteverdi aujourd'hui n'est pas seulement une question de maîtrise de la composition. Ses protagonistes deviennent des individus expressifs, mais ils habitent un monde où les hiérarchies sont établies et les libertés circonscrites. « Rien de ce qui est délicieux ici-bas ne dure », dit Apollon à Orphée, lui conseillant de renoncer à la vie et d'aller au ciel. Monteverdi a souvent été comparé à Shakespeare, à juste titre. Les deux artistes donnent une profondeur insondable à des récits familiers, et tous deux manœuvrent habilement entre le haut et le bas, captivant encore et toujours le public quatre siècles plus tard.
Alex Ross