Agrippina
Son mari s'étant apparemment noyé en mer, une impératrice calculatrice assure le trône à son fils issu d'un autre mariage. Mais le commandant de l'armée a d'autres idées, et l'empereur revient, bien vivant.
Le Théâtre du Palais de Drottningholm (Drottningholms slottsteater en suédois), situé dans le Palais de Drottningholm à Stockholm, est l'un des rares théâtres du 18ème siècle à utiliser encore sa machinerie d'origine. Le style rococo offre un cadre magnifique à cette production d'Agrippina. Les costumes et les décors de Bente Lykke Møller mettent en scène les personnages masculins en toge grise, aux côtés d'Agrippine et de Poppée, dont les robes traversent des siècles de mode féminine (dans des couleurs discrètes, avec un maquillage et des perruques de Sofia Ranow). Ce voyage s'arrête avant notre époque, laissant peut-être le public combler le fossé entre l'héroïne manipulatrice et les personnages du monde d'aujourd'hui. Si elle n'est pas politique, la production du metteur en scène Staffan Valdemar Holm est certainement comique, et prend pour point de départ l'égocentrisme de l'une des femmes les plus scandaleuses de l'opéra, chantée par la mezzo-soprano star suédoise Ann Hallenberg. On retrouve dans Agrippina toute l'étendue de l'imagination du jeune Haendel, qui donne vie à un livret aussi drôle qu'émouvant et intelligent. Le chef d'orchestre et claveciniste italien Francesco Corti, collaborateur régulier des orchestres Les Musiciens du Louvre et Il Pomo d'Oro, dirige la musique de Haendel qui déborde d'originalité, d’humour, et de moments de grande beauté.
DISTRIBUTION
Claude | Nahuel Di Pierro |
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Agrippine | Ann Hallenberg |
Néron | Bruno de Sá |
Poppée | Roberta Mameli |
Othon | Kristina Hammarström |
Pallas | Giacomo Nanni |
Narcissus | Kacper Szelążek |
Lesbus | Mikael Horned |
Orchestre | Drottningholm Theatre Orchestra |
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Musique | Georg Friedrich Haendel |
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Texte | Vincenzo Grimani |
Direction musicale | Francesco Corti |
Mise en scène | Staffan Valdemar Holm |
Décors et costumes | Bente Lykke Møller |
Lumières | Torben Lendorph |
Perruques et maquillage | Sofia Ranow |
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Vidéos
Personnages
AGRIPPINE : Épouse de Claude. Mère de Néron. Conspire pour que Claude devienne le prochain empereur de Rome. S'assure l'aide de Pallas et de Narcissus.
CLAUDE : Empereur de Rome. Marié à Agrippine. Il a fait la guerre en Grande-Bretagne, réalisant de glorieuses conquêtes, mais a fait naufrage sur le chemin du retour. On pense d'abord qu'il s'est noyé mais il est sauvé par Othon. Amoureux de Poppée.
NÉRON : Fils d'Agrippine. Veut faire plaisir à sa mère en devenant le successeur de Claude comme empereur. Amoureux de Poppée.
POPPÉE : Jeune femme de la cour. Elle se languit de son bien-aimé Othon. Lorsqu'elle réalise l'ampleur du complot d'Agrippine, son désir de vengeance grandit.
OTHON : Commandant suprême de la flotte romaine. Il sauve la vie de Claude après son naufrage et se voit promettre le trône. Aime Poppée.
PALLAS : Esclave affranchi. Occupe une position élevée au sénat en tant que secrétaire du trésor impérial. Secrètement amoureux d'Agrippine.
NARCISSUS : Esclave affranchi. Occupe un poste au sénat et fait partie du personnel de la cour. Secrètement amoureux d'Agrippine.
LESBUS : Esclave et valet de chambre de Claude. Adore Poppée.
Le livret suit de près l'histoire romaine, et tous les personnages, à l'exception de Lesbus, correspondent à des figures historiques réelles.
L'histoire
Acte I
Alors que son mari, l'empereur romain Claudius, se serait noyé en mer, Agrippine complote pour que son fils issu d'un précédent mariage, Néron, soit le successeur de Claude. En réalité, l'empereur a été sauvé par le commandant de l'armée, Othon, et le couronnement imminent de Néron est abandonné. Othon dit à Agrippine que Claude, en reconnaissance, l'a nommé son successeur. Il lui dit aussi que lui, Othon, est tombé amoureux de Poppée, et qu'il la désire plus qu'il ne désire le trône. Agrippine, consciente que Claude aime aussi Poppée, y voit une nouvelle opportunité de poursuivre ses ambitions pour Néron. Elle révèle à Poppée, à tort, qu'Otho a conclu un marché avec Claude, par lequel lui, Othon, gagne le trône mais donne Poppée à Claude. Agrippine conseille à Poppée de retourner la situation contre Othon en disant à l'empereur qu'Othon lui a ordonné de refuser les attentions de Claude. Agrippine croit que cela fera en sorte que Claude révoque sa promesse de trône à Othon.
Acte II
Othon est prêt pour son couronnement mais Claude l'accuse d'être un traître. Dévasté et déconcerté, Othon fait appel à Agrippine, à Poppée et à Néron afin d’obtenir leur soutien, mais ils le rejettent tous. Poppée est touchée par le chagrin de son ancien bien-aimé et commence à douter de sa culpabilité. Finalement, Othon la convainc de son innocence et Poppée jure de se venger, mais elle est distraite quand Néron s'avance et lui déclare son amour. Pendant ce temps, Agrippine convainc Claude qu'Othon est toujours en train de comploter pour prendre le trône et lui conseille d'abdiquer en faveur de Néron. Claude est d'accord, croyant que cela lui permettra de gagner Poppée.
Acte III
Tandis qu'Othon et Néron se cachent dans sa chambre, Poppée explique à Claude qu'il l'avait mal comprise auparavant : ce n'est pas Othon mais Néron qui lui avait ordonné de rejeter ses attentions. Claude rejette avec colère son beau-fils. Néron informe sa mère de la trahison de Poppée et de sa décision de renoncer à l'amour pour l'ambition politique. Agrippine affronte Claude, le réprimande pour avoir succombé à l'influence de Poppée et prétend qu'Othon aime Poppée, forçant ainsi Claude à les convoquer tous les trois. Il annonce que Néron et Poppée se marieront, et qu'Othon aura le trône. Personne n'est satisfait de cet arrangement, car leurs désirs ont changé. Ainsi Claude, dans un esprit de réconciliation, revoit son jugement, donnant Poppée à Othon et le trône à Néron.
En profondeur
Francesco Corti
Le chef d'orchestre au sujet d'Agrippina
À bien des égards, Agrippina se distingue dans la production lyrique de Haendel. Sa création marque un moment fondamental dans la jeunesse du compositeur. La réception enthousiaste de l'opéra lors de sa création à Venise en 1709 a probablement été ressentie par le compositeur de 24 ans comme le couronnement de ses années italiennes. Après ses exploits à la cour romaine, et dans d'autres cercles aristocratiques de la péninsule, Haendel scelle son succès par un triomphe à la Sérénissime, l'un des marchés artistiques les plus compétitifs d'Europe.
Il était en très bonne compagnie pour cette aventure. Le livret du cardinal Vincenzo Grimani est l'un des meilleurs (sinon le meilleur) que Haendel ait jamais eu l'occasion de mettre en musique. Toute la pièce est imprégnée d'un sens unique de l'urgence dramatique. Dès les premiers mots prononcés par Agrippine, nous sommes entraînés dans une frénésie d'événements, poussés par les complots orchestrés par les deux personnages féminins du drame. La psychologie des personnages de Grimani et la complexité de l'histoire ont dû stimuler le jeune compositeur - on pourrait imaginer un parallèle entre la relation réussie Haendel/Grimani et Mozart/da Ponte.
Les compétences techniques raffinées de Haendel sont clairement visibles sur la partition. L'opéra en trois actes déploie une variété de formes et de styles exceptionnelle et de nombreuses influences peuvent être discernées dans la musique. Haendel recourt régulièrement à la technique de la parodie : il « emprunte » la musique d'autres compositeurs ou de ses propres œuvres antérieures en l'adaptant à un nouveau contexte musical et dramatique. Nous retrouvons des pièces de Reinhard Keiser, Alessandro Scarlatti, Antonio Cesti, Johann Mattheson, ainsi que des compositions profanes et sacrées antérieures de Haendel lui-même. Certains de ces emprunts sont particulièrement virtuoses : l'aria « Ho un non so che nel cor » du premier acte est une citation littérale du texte et de la musique de La Resurrezione. On remarque souvent un sens de l’humour subtil qui accompagne la plupart de ces citations.
La complexité des personnages se reflète régulièrement dans les choix spécifiques du compositeur. Très souvent, la musique est ambiguë lorsque le texte de l'aria sous-tend un état d'esprit évasif ou équivoque du personnage qui la chante. La première aria de Néron « Col saggio tuo consiglio » me semble être un mélange de sentiments contrastés (Haendel dépeint efficacement un jeune garçon accablé par les nouvelles qu'il vient d'entendre), tout comme l'aria de Poppée « Spera alma mia » du deuxième acte. Certaines bizarreries dans les structures rythmiques et dans la mise en texte semblent également indiquer une lecture profonde du livret (le premier air de Poppée, le phrasé irrégulier des airs de Claude...). À bien des égards, Haendel travaille main dans la main avec Grimani et sa musique approfondit considérablement la complexité psychologique du drame.
Agrippina est pour de nombreuses raisons un tournant décisif : c'est la dernière œuvre de Haendel dont le livret est ancré dans la tradition du 17e siècle, sa dernière pièce italienne et son premier opéra de maturité. Après Agrippina, il était certainement prêt à relever de nouveaux et plus grands défis professionnels. Un jeu subtil de symétrie et d'équilibre, une démonstration débordante de talent musical et de virtuosité, un tour de force dramatique, un tournant dans la carrière de Haendel. Dans le répertoire de l'opéra baroque, Agrippina se distingue par son incroyable modernité et nous parle directement.