Dans les hauts plateaux polonais, une paysanne sensible a donné son cœur et son corps à un riche propriétaire terrien. Mais maintenant, il prévoit d'épouser quelqu'un d'autre.
La tragédie romantique de Moniuszko, qui met en scène mésalliance et tension sociale, est considérée comme l'un des plus beaux opéras du répertoire polonais. Le Poznań Opera présente sa production sur l’immense scène du Grand Théâtre de Varsovie en tant qu'invité du Polish National Opera.
Distribution
Halka | Monika Mych-Nowicka |
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Jontek | Piotr Friebe |
Janusz | Łukasz Goliński |
Stolnik | Rafał Korpik |
Zofia | Magdalena Wilczyńska-Goś |
Dziemba | Damian Konieczek |
Mountaineer | Bartłomiej Szczeszek |
Chœurs | Chœur de l'Opéra de Poznań |
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Musique | Stanisław Moniuszko |
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Direction musicale | Gabriel Chmura |
Mise en scène | Paweł Passini |
Décors | Zuzanna Srebrna |
Lumières | Przemysław Sieraczyński |
Texte | Włodzimierz Wolski |
Chef·fe des Chœurs | Mariusz Otto |
Vidéo | Maria Porzyc |
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Vidéo
L'histoire
Acte I
Lors d'une fête de fiançailles, les invités lèvent leur verre en l'honneur de l'heureux couple que forment Janusz, un jeune et riche propriétaire terrien, et Zofia, la fille d'un propriétaire plus riche encore. Halka, une simple paysanne issue de l'un des villages appartenant à Janusz, est attirée par la fête comme un papillon de nuit à une flamme. À l'extérieur, elle se met à pleurer son amour perdu, distrayant les fêtards. Zofia, au cœur bienveillant, demande à Janusz de parler à la jeune fille, en espérant qu'il la réconfortera. Janusz est abasourdi. Il s'avère qu'il est l'amour perdu de Halka et qu'il avait promis de l'épouser avant de disparaître. Loin des invités, il la berce et l'embrasse, et s'arrange pour la rencontrer le soir.
Acte II
Halka croit en la sincérité des sentiments de Janusz et est heureuse d'avoir trouvé un jeune maître qui n'a pas peur de tomber amoureux d'une paysanne. Elle est approchée par Jontek, qui l'aime depuis des années et qui l'a accompagnée lors de son voyage en ville, où il a observé avec amertume son attirance pour Janusz. Il essaie de faire comprendre à Halka qu'elle a affaire à un imposteur. Elle entre dans une colère froide et ses cris attirent l'attention des invités. Devant ceux-ci, Janusz nie la connaître et ordonne aux deux visiteurs de partir.
Acte III
À la campagne, les paysans se reposent après une longue semaine de dur labeur. Soudain, ils assistent à un spectacle troublant. Il s'agit de Jontek qui ramène Halka chez elle. La jeune femme est décoiffée et la folie se lit dans ses yeux. Le garçon explique pourquoi elle s'est effondrée et ne peut cacher son exaspération face à son obsession pour Janusz. Halka découvre qu'elle est enceinte et relate son histoire dans une sorte de transe hypnotique : elle se compare à une colombe dont les ailes d'innocence auraient été brisées par l'infidélité de Janusz. Elle ne peut s'empêcher de pleurer en apercevant les célébrations du mariage à l'horizon.
Acte IV
Jontek a des sentiments mitigés pour Halka. Il l'aime toujours, mais est horrifié par sa naïveté. Janusz et Zofia arrivent, accompagnés de leurs invités, et reçoivent les félicitations des paysans avant de se rendre à l'église du village pour le mariage. Zofia remarque une jeune femme qui semble terriblement bouleversée, persuadée de l'avoir déjà vue quelque part. Janusz admet que Halka est la personne qui a interrompu leur fête de fiançailles et qu'il l'a utilisée pour son propre divertissement par le passé. Avant que Zofia puisse lui poser d'autres questions, il l'emmène dans l'église. Halka a le cœur brisé de voir que Janusz est en train de se marier. Elle a perdu son bébé et un grand sentiment de solitude l'envahit. Dans un accès de rage, elle décide de brûler l'église. Réalisant qu'elle ne peut se résoudre à tuer Janusz, elle change d'avis et, désespérée, se jette dans la rivière.
En profondeur
La naissance d’un opéra national
Lors de sa soirée d'ouverture à Vilnius, Halka fut un vrai fiasco. Pourtant, l’opéra occupe aujourd’hui une place de choix dans le répertoire polonais. Comment expliquer ce revirement positif ? Le critique musical et journaliste de radio Piotr Kamiński revient sur les hauts et les bas du premier opéra de Stanisław Moniuszko.
Suite à la publication de son deuxième Chansonnier du Foyer à Vilnius en 1845, Moniuszko se rendit à Varsovie. Il y rencontra un jeune poète aux vues politiques radicales, Włodzimierz Wolski, qui venait de terminer l'écriture d'un poème intitulé « Halszka » d'après le roman de Kazimierz Władysław Wójcicki intitulé Góralka (La fille des montagnes). Le poème fut interdit par la censure, mais Wolski suggéra néanmoins qu'il soit retravaillé en libretto. Les discussions sur le sujet, auxquelles participèrent également le critique Józef Sikorski et l'ethnographe Oskar Kolberg, aboutirent à la création d’un opéra en deux actes intitulé Halka.
Sikorski ne tarda pas à présenter la partition aux responsables du Teatr Wielki de Varsovie, alors dirigé par Tomasz Nidecki, qui l’accepta dans un premier temps pour la rejeter ensuite. Par conséquent, l'œuvre fut présentée pour la première fois sous la forme d’un concert dans la maison de la belle-famille de Moniuszko à Vilnius. Ce n’est que six ans plus tard, le 16 février 1854, qu’une production entièrement mise en scène fut présentée pour la première fois, toujours à Vilnius.
Les réactions furent plutôt défavorables, Halka étant considéré comme immoral et antipatriotique. Les efforts de Moniuszko ne furent cependant pas vains, car l'expérience lui permit de tester les forces et les faiblesses de son premier travail de mise en scène. Par la suite, après avoir terminé deux opérettes, Cyganie et Bettly, il se sentit plus confiant. Il se rendit en outre à Saint-Pétersbourg, où il discuta de Halka avec le compositeur Alexandre Dargomyzhsky, qui se montra enthousiaste et s’en inspira même probablement pour écrire sa Rusalka.
En 1856, Moniuszko revisita la partition en y ajoutant le duo de Jontek et de Janusz et les danses des Highlands. Encouragé par les réactions positives du Teatr Wielki à Varsovie, que dirigeait alors Jan Quattrini, Moniuszko apporta à la pièce de nouvelles révisions.
La nouvelle version de l'œuvre fut divisée en quatre actes. La première, qui eut lieu le 1er janvier 1858, fut un triomphe : la pièce fut considérée comme une grande réussite artistique et un réel événement patriotique. De nos jours, cette date marque l'anniversaire de l'opéra polonais. Joué 150 fois du vivant du compositeur, Halka connut plus de 500 représentations avant la fin du siècle. Au milieu des années 1930, le nombre de représentations avait atteint le millier.
En 1953, vers la fin de sa vie, le metteur en scène polonais Leon Schiller créa à Varsovie une production de Halka qui fut montée au Staatsoper de Berlin la même année. Suivant les exigences du réalisme socialiste, la lutte des classes occupait une place centrale dans cette interprétation, le livret ayant même été modifié pour y parvenir. Saluée par beaucoup et critiquée par d'autres, la célèbre mise en scène de Schiller devint un point de référence pour les productions futures.
161 ans se sont écoulés depuis la création triomphale de la version remaniée de Halka et l’opéra n'a jamais quitté le répertoire polonais. Il a été mis en scène pour marquer des occasions spéciales, telles que la réouverture du Teatr Wielki en 1965, après la guerre. Bien que l’œuvre ne soit presque jamais jouée en dehors de la Pologne, il nous faut adresser une mention spéciale à la regrettée Maria Fołtyn, l'une des plus importantes Halka de l'après-guerre, pour ses efforts de promotion du grand opéra de Moniuszko à l'étranger.
Piotr Kamiński est l'auteur de Tysiąc i jedna opera (Mille et un opéras), publié par PWM Edition en 2008.