Avec l'aide de sa fille et d'un serviteur muet, la fausse médium Madame Flora profite des malheurs de ses clients pour les duper. Un soir, à la suite d'une étrange rencontre, meurtre et folie entrent en scène.
Le Médium au Croatian National Theatre Zagreb offre un suspense digne d’un thriller. L'opéra anglophone de Gian Carlo Menotti, musicalement éclectique et d'une durée de moins d'une heure, associe vérisme italien et modernité américaine, comme on pourrait s’y attendre venant d'un compositeur et homme de théâtre italo-américain.
Distribution
Flora | Dubravka Šeparović Mušović |
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Monika | Ivana Lazar |
Madam Nolan | Margareta Matišić |
Madam Gobineau | Tamara Franetović Felbinger |
Mister Gobineau | Ozren Bilušić |
Toby | Leonard Lampert |
Orchestre | Croatian National Theatre Zagreb Orchestra |
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Musique | Gian Carlo Menotti |
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Direction musicale | Josip Šego |
Mise en scène | Caterina Panti Liberovici |
Décors | Roberto Boldini |
Lumières | Chiara Lussignoli |
Costumes | Alessandra Garanzini |
Texte | Gian Carlo Menotti |
Assistant to the stage director | Leonard Lampert |
Supervisors | Aleksandra Ćorluka, Zrinka Petrušanec |
Concertmasters | Vlatka Peljhan, Mojca Ramušćak |
Artistic lead of the Opera Studio | Nina Cossetto |
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Vidéo
L'histoire
Acte 1
Le salon de la médium. Monica, la fille de Madame Flora et Toby, un serviteur muet sauvé des rues de Budapest, jouent à se déguiser. Lorsque Madame Flora - ou Baba comme ils l'appellent - arrive ivre à la maison, elle les réprimande violemment parce qu'ils ne se sont pas préparés pour la séance de ce soir-là. Les clients arrivent bientôt : M. et Mme Gobineau, des habitués, et la veuve Mme Nolan qui assiste à la séance pour la première fois. Pendant que Madame Flora est en transe dans son fauteuil, une fausse séance a lieu, au cours de laquelle Mme Nolan parle avec ce qu'elle croit être sa fille décédée de seize ans, mais qui est en réalité Monica derrière un écran. Lorsque Monica disparaît, Mme Nolan se précipite vers la figure mais est retenue par les Gobineau. Lorsque l'ordre est rétabli, M. et Mme Gobineau communiquent avec leur fils Mickey, âgé de deux ans et décédé, qui, n'ayant jamais appris à parler ne fait que rire. Après lui avoir dit au revoir, Madame Flora se prend soudain la gorge entre les deux mains : elle est terrorisée car elle sent une main fantôme qui lui serre la gorge. Après avoir demandé aux invités de partir, elle appelle Monica et lui raconte ce qu'elle a ressenti. Elle finit par accuser Toby qui se trouvait dans l'autre pièce pendant tout ce temps. Pour tenter de calmer la rage de Baba, Monica lui chante la sombre berceuse « Le cygne noir », interrompue par une voix que Baba entend et qui la met dans une colère noire contre Toby. L'acte se termine avec Monica qui chante à nouveau la berceuse pendant que Baba récite ses Ave Maria.
Acte 2
Quelques jours plus tard. Toby donne un spectacle de marionnettes à Monica. Leur amour mutuel devient plus évident. Lorsque Baba rentre à la maison, elle reprend ses accusations sur Toby, persuadée qu'il sait ce qui s'est passé cette nuit-là. Les clients arrivent à nouveau, s'attendant à une nouvelle séance de spiritisme, mais ils sont chassés par Madame Flora qui tente de les convaincre que tout cela n'était qu'une supercherie en leur révélant toutes les astuces qu'elle et Monica ont utilisées. Mais les clients ne sont pas convaincus et partent en affirmant qu'elle pensait peut-être les tromper, mais que ce n'était pas le cas. Une fois les clients partis, elle chasse Toby malgré les supplications de Monica. Alors que tout le monde est parti et que Monica est dans sa chambre, Baba se sert un autre verre et s'interroge sur sa propre santé mentale avant de s'évanouir. Toby se faufile à nouveau et tente d'entrer dans la chambre de Monica, mais il la trouve fermée à clé. Il finit par trouver son tambourin dans la malle. En cherchant, il fait tomber le couvercle de la malle, ce qui réveille Baba. Toby se cache rapidement dans le théâtre de marionnettes. Alors que Baba essaie de voir d'où vient le bruit, elle va chercher un revolver dans un tiroir de la table. Hystériquement, elle crie : « Qui est-ce ? Parlez ou je tire ! » et le rideau du théâtre de marionnettes bouge. Baba hurle et tire plusieurs fois sur le rideau. Alors que le corps ensanglanté de Toby s'effondre en s'agrippant au rideau, Baba dit : « J'ai tué le fantôme ! J'ai tué le fantôme ! » Monica entend les coups de feu et entre, aperçoit le corps sans vie de Toby et court chercher de l'aide. Alors que le rideau final tombe très lentement, Baba demande, dans un murmure rauque : « C'était toi ? »
En profondeur
Josip Šego and Caterina Panti Liberovici au sujet du Médium
Josip Šego, directeur musical : Le Médium de Gian Carlo Menotti est un opéra avec lequel j'ai une relation toute particulière. Menotti a eu l'idée d'écrire le livret en 1936 après avoir assisté à une séance de spiritisme dix ans plus tôt. Il était attiré par le surnaturel, par la façon dont les autres réagissent lorsqu’ils y sont confrontés et les croyances qui en découlent. Cette expérience est devenue le fondement de l'histoire, dont le cœur est la tension entre un monde réel et un monde imaginaire dans lesquels vivent les personnages.
Dans un mélange parfait de vérisme italien et de musique américaine moderne, tous les personnages et leurs relations sont musicalement nuancés et parfaitement équilibrés. D'un côté, nous entendons les arias de Monica, simples, mémorables et mélodieuses, orchestrées de manière aérienne, avec des numéros accrocheurs comme « The Black Swan » (qui se termine par un duo avec Flora) et « La valse de Monica ». D'autre part, nous assistons à la chute d'un personnage dans la folie, pris entre le monde réel et le monde imaginaire. Les interprétations de Flora se caractérisent par des chromatismes, des harmonies dures, des rythmes inattendus, des changements soudains d'instrumentation et, surtout au deuxième acte, par des accents soudains et la montée en puissance de l'orchestre. Les préludes instrumentaux ajoutent à l'atmosphère et au drame. L'expressivité se traduit par une forme compacte : un orchestre de chambre, composé d'un quintette à cordes, d'un sextuor à vent, d'un piano et de percussions, ce qui est l'orchestration typique de nombreuses œuvres de chambre du 20e siècle composées par Britten, Stravinsky, Hindemith et Holst.
J'ai eu l'occasion de travailler sur Le Médium pour la première fois lorsque j'étais étudiant à l'Académie de musique de Zagreb. Ce spectacle m'a permis de découvrir le cycle complet d'une production, des premières répétitions à la représentation finale sur scène. J'ai été témoin pour la première fois des possibilités infinies et du pouvoir d'expression qu'offre la combinaison d'une voix et d'un ensemble instrumental. J'ai appris à faire le lien entre la musique, le livret et le théâtre. Le Médium a été une expérience formatrice qui m'a poussé à continuer à explorer l'opéra. J'ai dirigé Le Médium plusieurs fois depuis lors, toujours avec beaucoup de joie et d'enthousiasme, comme si c'était la première fois.
Caterina Panti Liberovici, metteuse en scène : Où se situe la frontière entre ce que nous désignons comme le réel et nos propres perceptions, subjectives et inexplicables ? Le Médium est un opéra intriguant, et ce à plusieurs niveaux. Les deux actes ont une séquence similaire, bien que dans le premier tout semble familier et réaliste, alors que dans le second les intrigues semblent être déformées. Menotti était un maître des leitmotive ; il les mettait au service de son intrigue. Le synopsis nous encourage à explorer nos propres histoires. La clé pour décrypter cet opéra est d'accepter l'inconnu et d'affronter les questions sans réponse. Le voyage de notre médium Flora commence dans un environnement sûr, car elle contrôle la réalité et semble maîtriser (ou du moins être en contact) avec l'au-delà. Elle est presque comme une femme d'affaires jouant le rôle de médium. Ses employés jouent un rôle important dans cette aventure : Monica est une actrice qui joue le rôle d'un fantôme pendant les séances, et Toby fait office de décorateur. Les frontières du monde de Flora sont définies. L'engagement émotionnel des clients présents à la séance souligne la position dominante de Flora ; leur confiance dans l'invisible transcende la frontière entre logique et émotions. Mais au cours d'une séance, Flora sent soudain une main invisible se poser sur son cou. Cela bouleverse son univers et l'entraîne dans une spirale descendante et inarrêtable. Alors que sa confiance en elle commence à vaciller, Flora est confrontée à ses propres insécurités et à des menaces sur deux fronts : d'une part, la lutte pour maintenir l'ordre établi et, d'autre part, le fossé qui se creuse entre les rêves et la réalité. Ce qui était auparavant une séparation claire entre le vrai et le faux devient un hiatus plein de doutes, d’introspection et de questions sans réponse. Flora doit faire attention à ne pas se laisser engloutir par ce fossé. Des éléments de sa réalité s'effondrent, devenant partie intégrante d'un flou hallucinatoire. Monica, Toby, les invités et même les environs se transforment en projections hostiles, personnifications de l'identité fragmentée de Flora.