Orfeo ed Euridice
Orphée est tellement accablé par la mort de sa bien-aimée Eurydice que les dieux lui permettent de la ramener des enfers, à condition qu'il ne lui adresse pas le moindre regard en chemin. Mais qui peut résister à l'envie de regarder un être cher ?
Créé en 1762, Orfeo ed Euridice est un tournant dans l'histoire de l'opéra. Libérant l'intrigue des conventions de l'opéra seria du 18e siècle, Gluck introduit la fluidité dans le drame. L'alternance rigide de l'aria et du recitativo est abandonnée, la continuité et l'unité sont les pierres angulaires de la réforme de Gluck. Le mouvement de la musique de Gluck, avec son intensité lyrique et l'imbrication du chœur, du chant solo et de la danse, séduit les chorégraphes. New National Theatre Tokyo confie sa nouvelle production au chorégraphe et danseur japonais Saburo Teshigawara, réputé pour la beauté et la cohérence de ses productions. Il supervise ici la mise en scène, les décors, les costumes et les éclairages, avec Masato Suzuki à la tête du Tokyo Philharmonic Orchestra. En ce mois consacré au mythe d'Orphée sur OperaVision, cette étape au Japon est un rappel important du pouvoir universel de la musique. Avec son aria la plus célèbre qui a enchanté des générations, Che farò senza Euridice, Gluck lance l'opéra sur une nouvelle voie qui mènera finalement à Berlioz et Wagner.
DISTRIBUTION
Orfeo | Lawrence Zazzo |
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Euridice | Valda Wilson |
Amore | Rie Miyake |
Danseur·euses | Rihoko Sato Alexandre Riabko Joe Takahashi Shizuka Sato |
Chœurs | New National Theatre Chorus |
Orchestre | Orchestre Philharmonique de Tokyo |
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Musique | Christoph Willibald Gluck |
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Texte | Ranieri de’ Calzabigi |
Direction musicale | Masato Suzuki |
Mise en scène / Chorégraphie / Décors / Costumes / Lumières | Saburo Teshigawara |
Collaboration artistique | Rihoko Sato |
Chef·fe des Chœurs | Kyohei Tomihira |
Associé aux décors | Yoshiharu Tachikawa |
Associé aux lumières | Hiroki Shimizu |
Associé aux costumes | Sonoko Takeda |
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Vidéos
L'HISTOIRE
Acte I
Les nymphes et les bergers se rassemblent autour du tombeau pour pleurer solennellement la mort d'Euridice, qui a été mordue par un serpent. Son mari, Orfeo, se lamente sur sa perte et ne peut que prononcer son nom ("Ah, se intorno"). Resté seul, il fait des reproches aux dieux et chante son chagrin ("Chiamo il mio ben"). Amore (Cupidon) apparaît pour annoncer que Jove, pris de pitié par le désespoir d'Orfeo, lui permettra de descendre aux enfers pour ramener Euridice du pays des morts. Cependant, il y a une condition : Orfeo ne doit pas regarder sa femme avant qu'ils ne soient sortis des cavernes du Styx, sinon quoi il la perdra à jamais. Bien que le sang d'Orfeo se glace à l'idée de la perdre à nouveau, il accepte la condition et, en un éclair, part pour Hadès.
Acte II
Dans une grotte épouvantable, des furies et des spectres apparaissent, refusant à Orfeo l'accès aux enfers. Orfeo se met à jouer de la lyre et ses lamentations finissent par les apaiser. Ils lui permettent de passer sans interruption dans les Champs Elysées, un paysage magnifique avec des bosquets et des prairies, des rivières et des ruisseaux. Orfeo est envoûté ("Che puro ciel !") mais réalise qu'il ne pourra être heureux ici que s'il retrouve Euridice. Conduite par un chœur d'héroïnes, Euridice s'approche d'Orfeo qui, sans la regarder, l'emmène.
Acte III
Dans une sombre caverne sur les rives du Léthé, Orfeo invite Euridice à suivre ses pas. Euridice se demande si elle est dans un rêve et demande des explications à Orfeo. Il essaie de la presser, mais elle est confuse et se demande si l'amour d'Orfeo pour elle s'est fané comme une rose flétrie. Orfeo essaie de ne pas se retourner pour la regarder, surtout lorsqu'elle s'insurge contre sa froideur, affirmant qu'elle préférerait mourir à nouveau plutôt que de vivre avec lui. Elle exprime son tourment ("Che fiero momento !") et demande pourquoi il ne lui offre aucun réconfort. Finalement, Orfeo n'en peut plus et se retourne pour la regarder. Euridice meurt à nouveau. Orfeo, désespéré, se demande comment il pourra continuer à vivre sans elle ("Che farò senza Euridice ?") et décide de se donner la mort. Amore apparaît soudainement et le désarme. Ému par son chagrin, Amore fait revivre Euridice et réunit le couple. Dans un temple magnifique, Orfeo et Euridice sont précédés par des nymphes et des bergers qui se joignent à Amore pour célébrer le pouvoir de l'amour ("Trionfi Amore").
EN PROFONDEUR
Quatre clés pour aborder Orfeo ed Eurdice, par Saburo Teshigawara
1. Une évolution circulaire
Plusieurs chorégraphes ont abordé Orfeo ed Euridice par le passé, mais ce qui m'intéresse, c'est de voir comment je peux interpréter et exprimer physiquement ce fantastique opéra. Dans cet opéra, les deux rôles-titres et Amore, ainsi que le chœur et l'orchestre, créent un univers particulier. En outre, les danseurs, dont Rihoko Sato, apparaissent sur scène. Le décor consiste en une plateforme circulaire de 8 mètres de long qui ressemble à un plat orné d’un arrangement floral. Les chanteurs et les danseurs se produisent sur cette plateforme décorée de feuillages et de lys géants.
Le cercle symbolise le destin, la nature, les lois et l'univers. Il possède un caractère absolu qui échappe à la puissance humaine, une régularité et une motilité qui transcendent la connaissance humaine. L'élan et le mouvement sont consolidés, absorbés ou diffusés dans un cercle. Le cercle peut facilement déclencher des mouvements. En revanche, l'être humain ne peut être limité à un mouvement circulaire. Le corps humain ne peut pas se conformer à des lois absolues, ce qui entraîne divers mouvements et divergences.
2. La dissonance engendre le mouvement
Cet opéra est plein de belles mélodies, mais la beauté peut provoquer un malaise. Il ne s'agit pas d'une simple histoire d'amour. Les facteurs les plus importants sont les émotions négatives telles que le malaise et le doute. Où réside cette obscurité ? Autour de nous, dans notre corps, ou dans notre mémoire ? Et où pouvons-nous la trouver dans la musique ? Comment pouvons-nous la représenter sur scène ? En exprimant différentes nuances d'obscurité, nous pouvons créer une harmonie et une dissonance entre les éléments musicaux et les éléments visuels.
Cette « dissonance entre les éléments musicaux et visuels » est cruciale pour l'expression. De tels chocs, contradictions et conflits ou relations cyniques confèrent à la musique son pouvoir d'expression. On peut chanter une chanson triste dans une pièce bien éclairée, ou chanter la joie dans la pénombre.
Lorsque je crée une œuvre, je place souvent deux choses (qui sont dans des dimensions différentes) sur la même table (sur une même dimension), et je réfléchis à ce qu’apporte la distance qui les sépare. En d'autres termes, je place côte à côte quelque chose de physique et de non physique, ou une chose qui peut être lue et une autre qui ne le peut, et je considère la contradiction interne et le conflit dans les éléments externes. De telles juxtapositions de deux choses hétérogènes stimulent le cœur et l'histoire. Ce que je veux, c'est que tout « bouge » dans la danse, l'opéra et dans tout le travail créatif sur scène.
3. L'universel mène au contemporain
J'aime regarder le football. Mes amis britanniques qualifient souvent une pièce fantastique de « classique » ou de « classe » ! Cela ne signifie pas qu'elle est démodée, mais classique dans le sens où elle a une certaine universalité. Il s'agit de louer quelque chose qui transcende le temps.
Je pense que les Européens sont très doués pour cela. Lorsqu'ils interprètent ces opéras traditionnels, même s'ils leur donnent une nouvelle mise en scène, ils essaient toujours d'en voir l'aspect universel. Cela leur permet de mieux comprendre le présent.
Dans le Japon contemporain, les gens ont tendance à se concentrer sur des périodes spécifiques, mais où est l'universalité dans tout cela ? En tant que citoyens du monde, nous, Japonais, devrions reconsidérer l'importance de l'universalité. Nous devons comprendre que si la culture traditionnelle japonaise est respectée en Europe ou en Amérique, c'est parce qu'elle possède une certaine universalité qui est également valable à l'époque moderne. Autrement dit, nous devons nous demander comment une nouvelle expression peut atteindre l'universalité.
4. Quand l'opéra devient poésie
Quelque chose de visible et quelque chose qui ne l'est pas. Je veux montrer quelque chose qui s'efface ou quelque chose qui apparaît progressivement, ou en termes musicaux, quelque chose qui devient progressivement audible. Plutôt que de le présenter de manière évidente, je veux que le public reconnaisse plus clairement ce qu'il a ressenti inconsciemment. Ce processus de révélation est au cœur de l’expression de mes œuvres théâtrales.
Mon objectif est que « l'opéra devienne poésie » : la poésie elle-même, et non pas quelque chose qui ressemble à de la poésie. Je veux produire des expériences théâtrales dans lesquelles les interprètes et le public participent activement, s'influencent mutuellement et se sentent vivants. Dans cette nouvelle production d'Orfeo ed Euridice au New National Theatre Tokyo, avec les musiciens et les danseurs exceptionnellement talentueux qui y participent, je crois que nous pouvons y parvenir.
Adapté d'une interview réalisée par Miho Morioka