Romeo und Julia
Romeo und Julia
Deutsche Oper am Rhein

Romeo und Julia

Blacher
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Tandis que le bal bat son plein à l’intérieur, un garçon et une fille restés sur la touche ont le coup de foudre l’un pour l’autre. Mais parce qu’ils appartiennent à des familles ennemies, l’amour de Roméo et Juliette a beau être immortel, il est surtout interdit.

L'opéra de chambre du compositeur germano-balte Boris Blacher, écrit en 1943, renvoie la célèbre tragédie de Shakespeare à son essence : le destin de Roméo et Juliette. Les miniatures scéniques évoquent un monde brumeux et hostile à l’amour. De temps en temps, des personnages se matérialisent comme des apparitions fantomatiques, tandis qu’un chansonnier brechtien à l’humour cinglant commente l’échec de la plus grande histoire d’amour qui soit.

Distribution

Chansonnier
Florian Simson
Romeo
Jussi Myllys
Julia, fiancée du comte
Lavinia Dames
Lady Capulet
Katarzyna Kuncio
Capulet
Günes Gürle
Tybalt
Andrés Sulbarán
Benvolio
Beniamin Pop
Amme
Renée Morloc
Musiciens
Peter Nikolaus Kante, Steffen Weixler, Klaus Pütz
Choir - Soprano
Anna Elisabeth Hempel*, Diana Klee*
Choir - Alto
Ekaterina Aleksandrova**, Karolin Zeinert*
Choir - Tenor
Sander de Jong**, Bohyeon Mun*
Choir - Bass
Josua Guss*, Andrei Nicoara**
...
Musique
Boris Blacher
Direction musicale
Christoph Stöcker
Mise en scène
Manuel Schmitt
Décors
Heike Scheele
Lumières
Thomas Tarnogorski
Costumes
Heike Scheele
Texte
William Shakespeare
Chef·fe des Chœurs
Gerhard Michalski
Violin 1
Henry Flory
Violin 2
Johannes Heidt
Viola
Annelie Haenisch-Göller
Violoncello
Friedmann Dreßler
Double bass
Max Dommers
Flute
Sarah Heemann
Bassoon
Jens-Hinrich Thomsen
Trumpet
Antony Quennouelle
Piano
James Williams
...

Vidéo

L'histoire

Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
 
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.
 
Les terribles péripéties de leur fatal amour
Et les effets de la rage obstinée de ces familles,
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
 
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s'efforcera de corriger notre insuffisance.

En profondeur

Sur le champ de bataille du destin

Porter au théâtre la plus grande histoire d'amour de la littérature mondiale en pleine période de distanciation sociale... une entreprise audacieuse ? Après tout, n'est-ce pas là précisément la volonté d'aimer de Roméo et Juliette ? Défiant tous les obstacles, surmontant toutes les distances sociales, transcendant toutes les frontières, cette volonté à laquelle peintres, poètes, compositeurs et cinéastes ont rendu hommage dans de nombreuses adaptations et qui suscite en secret des soupirs de nostalgie même chez les plus grands détracteurs du romantisme ?

« Oh, il n'y a jamais eu d'histoire plus malheureuse que celle de Juliette et de son Roméo », pourrait-on dire en reprenant les mots de son créateur William Shakespeare, pour pleurer sur le sort théâtral actuel des amants maudits, dont les tentatives de retrouvailles sont aujourd'hui contrariées non pas par leurs foyers ennemis, mais par les mesures. La fleur de l'amour ne peut éclore sur un plancher de scène fraîchement désinfecté.

Pas de fin heureuse pour Roméo et Juliette en ces temps stériles ? Ce n'est pas si simple. Ce n'est pas rendre justice au drame de Shakespeare que d'essayer de le réduire à l'amour tragique de deux jeunes gens qui ont à peine dépassé le stade de l'enfance. Le thème de ce matériau immortel n'est pas l'amour, mais sa prévention par des circonstances funestes. Et quoi de plus actuel ?

Dans le conflit sanglant qui oppose les dynasties nobles véronaises des Montaigu et des Capulet, la jeune génération, sans qu'elle n’y soit pour rien, est prise dans le maelström d'une haine dévorante et dont personne ne se souvient de la cause. La tragédie particulière de Juliette et de Roméo réside dans le fait qu'ils n'apprennent qu’ils sont ennemis l’un de l’autre que lorsqu'ils sont depuis longtemps désespérément amoureux : « Je l'ai vu trop tôt, je l’ai connu trop tard ! », résume Juliette, dépitée, lorsque le chœur lui apprend la véritable identité de Roméo. La suite de l'intrigue se lit également comme l'arrangement des épreuves d'une divinité cruelle. Plus le couple tente désespérément d'échapper au champ de bataille de leur querelle familiale, plus le destin se montre impitoyable : alors même qu'ils font connaissance lors d'une fête donnée par les Capulet, la fureur de Tybalt, le cousin de Juliette, ne laisse aucun doute sur la fin fatale de cette histoire. Et en effet, à peine Juliette et Roméo ont-ils décidé de leur avenir commun que Roméo est entraîné dans un affrontement meurtrier contre son gré, au cours duquel il poignarde Tybalt et se retrouve contraint de fuir Vérone. Tous les efforts pour défier le destin et affirmer l'utopie d'une vie commune semblent être contrecarrés. Shakespeare ne laisse aucun doute : les amants ne peuvent échapper à cette catastrophe, car le pire (la mort de l'amour) doit d'abord se produire pour que les parties hostiles, Montaigu et Capulet, réalisent toute l'inutilité de leur querelle.

Le pouvoir du destin est également le thème central de Roméo et Juliette de Boris Blacher, qui a été écrit entre 1943 et 1944 (mais n'a été créé qu'en 1947) et peut être considéré comme un commentaire direct sur les horreurs de la catastrophique guerre mondiale, dans laquelle aimer l'ennemi était encore souvent puni de mort.

Musicalement, l'opéra de Blacher s'inscrit directement dans la tradition musicale de Heinrich Sutermeister, élève d'Orff, dont le Roméo et Juliette a été créé à l'Opéra Semper de Dresde en 1940. L'œuvre de Sutermeister montre déjà des tendances à l'abréviation lyrique de l'appareil orchestral romantique, qu'il alterne toujours avec des passages sonores opulents.

Blacher pousse à l'extrême le manque de moyens trois ans plus tard, pendant la guerre. Le bombardement des opéras allemands et une infection pulmonaire potentiellement mortelle sont les événements qui donnent à sa version de Roméo et Juliette son caractère dramaturgique et musical. L'omniprésence de la mort, même dans les moments apparemment heureux de la vie, acquiert une présence menaçante avec les bombardements alliés. Il est évident que ce thème a captivé Blacher dans son adaptation du matériel de Roméo.

À partir de la traduction allemande classique d'August Wilhelm Schlegel et Ludwig Tieck, le compositeur a distillé des miniatures scéniques qui réduisent radicalement le drame shakespearien aux amants impuissants face à leur destin. Tous les épisodes ou personnages qui ne font pas avancer directement la tragédie des deux protagonistes sont éliminés de l'intrigue. En accord avec la concision sans compromis des scènes, Blacher a créé une partition qui « dans son austérité fait penser à un petit miracle » (H.H. Stuckenschmidt). À la manière d'un haïku, le compositeur esquisse avec des instruments clairsemés - un quintette à cordes, une flûte, un basson et une trompette constituent l'ensemble de l'appareil orchestral - parfois développés à partir d'un seul motif musical, s'appuyant sur lui et tournant autour de lui, dans ses miniatures scéniques, le monde brumeux hostile à la vie et à l’amour dans lequel évoluent Roméo et Juliette. D'autres personnages se matérialisent parfois comme des apparitions fantomatiques, pour disparaître aussi soudainement qu'ils sont venus après avoir rempli leur fonction dramaturgique.

Le chœur est le maître de ce royaume universel du destin, que Blacher introduit comme troisième protagoniste dans l'agencement de la pièce. Avec les rôles textuels des personnages qui mènent l'action, comme le Père Laurent qui administre la potion, la Nourrice ou encore Benvolio, l'ami de Roméo, l'ensemble de chambre de huit membres oscille avec souplesse entre le rôle d'observateur sympathique, de catalyseur de l'action ou de commentateur indifférent des événements tragiques, sans jamais, bien sûr, montrer à Roméo et Juliette le chemin prédéfini pour échapper à leur chute.

Selon le traitement musical du chœur en particulier, le caractère sonore de Roméo et Juliette tout entier peut changer de manière surprenante. Certains des rares enregistrements disponibles de cette rareté lyrique rappellent par leur précision et leur transparence le langage tonal apollinien d'un Frank Martin, dont l'oratorio profane Le vin herbé a été créé un an seulement avant Roméo et Juliette et devait être connu des Blacher. D'autres enregistrements de l'œuvre, notamment anglo-saxons, s'attachent moins à une pureté sonore immaculée qu'à une interprétation plus brute, plus caractéristique, à la manière de Kurt Weill, dans laquelle la voix individuelle n'a pas à se subordonner au collectif.

Le trait le plus particulier de cet opéra, riche en particularités, s'inscrit également dans la tradition weillienne : dans trois chansons accompagnées au piano, un chansonnier fend le pathos délicat du reste de la partition par des résumés laconiques des événements dramatiques dans le style brechtien. L'ironie subtile des numéros de cabaret révèle l'aliénation de Boris Blacher face au verdict moral de Shakespeare selon lequel c'est l'excès d'amour qui a causé la perte de Roméo et Juliette.

Cette partition, qui « cache plus qu'elle ne dit » (H.H. Stuckenschmidt), défie toute définition scénique claire dans sa nature comprimée, mais donne au spectateur de l'opéra l'occasion de se faire sa propre idée des événements tragiques.

Adapté de Anna Grundmeier