Un homme d'affaires prospère et sa femme semblent mener une paisible vie dans la banlieue. Mais tandis qu'ils tombent amoureux de leur propre succès, ils devront aussi se rappeler de s'aimer mutuellement.
Matthew Eberhardt donne vie à la banlieue des années 1950 dans une critique en technicolor de la société capitaliste américaine. Ecrit et composé par Leonard Bernstein, cet opéra met en vedette Wallis Giunta, lauréate du Young Singer Award lors de l'International Opera Awards 2018, dans le rôle de Dinah.
Distribution
Sam | Quirijn de Lang |
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Dinah | Wallis Giunta |
Trio | Fflur Wyn, Joseph Shovelton, Nicolas Butterfield |
Junior | Charlie Southby |
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Musique | Leonard Bernstein |
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Direction musicale | Tobias Ringborg |
Mise en scène | Matthew Eberhardt |
Décors | Charles Edwards and George Leigh |
Lumières | Ben Pickersgill and Charles Edwards |
Costumes | Hannah Clark |
Texte | Leonard Bernstein |
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Vidéo
L'histoire
Dans un studio de radio, un trio de jazz chante la vie rêvée dans la banlieue.
Dans leur maison de banlieue, un couple marié, Sam et Dinah, se disputent à la table du petit-déjeuner. Dinah accuse Sam d'avoir une liaison avec sa secrétaire, ce qu'il nie. Elle lui rappelle aussi que leur fils Junior joue dans le spectacle de son école cet après-midi. Sam lui dit qu'il ne peut pas y aller car il participe à un tournoi crucial de handball au gymnase.
Au travail, Sam manipule habilement certaines affaires par téléphone et accepte de prêter de l'argent à un ami. Le Trio prône les vertus de Sam.
Dans le cabinet de son psychanalyste, Dinah raconte qu'elle a rêvé d'un jardin non entretenu, étouffé par les mauvaises herbes. Dans ce rêve, elle entend une voix l'appeler, décrivant un autre jardin - un lieu où règnent amour et harmonie. Pendant ce temps, au bureau, Sam interroge sa secrétaire à propos de son comportement envers elle.
Par hasard, Sam et Dinah se croisent dans la rue. Tous deux inventent des excuses pour éviter de déjeuner ensemble. Seuls, ils se demandent à quel moment leur relation a mal tourné.
Dans un Interlude, le Trio prône la vie de famille dans la banlieue.
Sam vient de remporter le tournoi de handball organisé à la salle de sport. Il réfléchit triomphalement à la loi des hommes - et à quel point ceux-ci naissent inégaux: certains tentent des choses comme s'ils pouvaient perdre, tandis que d'autres, comme lui, gagnent.
Dinah a passé l'après-midi au cinéma à regarder une romance des mers du Sud intitulée Trouble in Tahiti. Au début, elle rejette le film, qu'elle considère comme des balivernes en technicolor. Mais alors qu'elle se souvient de l'histoire du film et de son thème musical, 'Island Magic', elle se perd dans ses fantasmes d'évasion. Puis elle s'arrête et prépare le dîner.
En arrivant à la maison, Sam réfléchit à une autre loi humaine - que même le gagnant doit payer pour ce qu'il obtient.
Le Trio chante des soirées de bonheur domestique dans la banlieue. Sam et Dinah essaient de parler de leur relation, mais leurs efforts s'évanouissent rapidement. Aucun d'entre eux n'est allé voir la pièce de Junior. Sam suggère qu'ils aillent voir un film - quelque chose à propos de Tahiti; « Pourquoi pas ? », dit Dinah. En partant, ils expriment le désir de se reconnecter l'un à l'autre; mais pour l'instant ils se contentent de la « magie achetée et payée » du cinéma.
En profondeur
5 clés pour aborder Trouble in Tahiti
1° Composition, écriture, direction musicale…
Bernstein a composé son tout premier opéra durant sa lune de miel. La première de Trouble in Tahiti a lieu en juin 1952 à l'Université de Brandeis dans le Massachusetts, dirigé par Bernstein en personne. Auteur du livret, compositeur et chef d’orchestre, Bernstein donne naissance à un opéra satirique en un seul acte et sept scènes. Désireux de rendre son oeuvre la plus réelle possible, Bernstein la situe après la seconde guerre mondiale, alors que le consumérisme se répand au sein de la société. Cette oeuvre comporterait une note autobiographique. En effet, les personnages principaux, ont des prénoms identiques à ceux de ses parents, Sam et Jennie (changé en Dinah). Son père a quitté la Russie pour les États-Unis et a ouvert une entreprise de coiffure, un exemple de l’ « American Dream ». Bernstein avait à coeur d’écrire son livret dans un langage courant propre à l’époque. Il existe une suite de cet opéra : A quiet place.
2° Une critique de l’American dream
Dans Trouble in Tahiti, les personnages sont isolés, la compétition est centrale et l’amour est relégué en second plan. L’homme travaille tandis que la femme reste à la maison, dans une banlieue bien rangée. Les relations sexuelles entre un homme et sa femme ne sont pas source de désir ni de plaisir, quand l’homme chercherait un rapport avec sa secrétaire. Finalement, le couple ne sait pas comment franchir tous ces obstacles, ne sait pas communiquer.
3° Un trio vocal de jazz
L’opéra s’ouvre de manière originale : par un jingle. Ce jingle est interprété par un trio musical qui chante au micro d’un studio d’enregistrement. Bernstein souhaitait que ce trio « ne cesse jamais de sourire ». Le rythme jazz évoque les publicités diffusées à l’époque à la radio, comme par exemple l’ouverture « Mornin’ sun » ci-dessous. Composé d’un baryton, d’une soprano et d’un ténor, ce trio rappelle également un choeur grec ancien, qui commente l'histoire de manière satirique.
https://soundcloud.com/opera-north/sets/trouble-in-tahiti
En réalité, ces notes jazz mettent en exergue le bonheur de façade des personnages. Le langage musical change selon les espaces qu’occupent les personnages; quand ils sont dans la maison, la musique créée une ambiance imprégnée de tension. Puis l’air introspectif de Dinah « There is a garden » est superbe, alors qu’elle décrit son rêve à son psychanalyste. L’air « Island magic » parodie délibérément le film South Pacific de Rogers et Hammerstein.
4° Une production à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Bernstein.
Leonard Bernstein est un compositeur éclectique, figure de proue de la composition musicale du XXème siècle. Il est compositeur, chef d’orchestre et professeur. Il remportera un franc succès grâce à ses compositions de comédies musicales, et dans un registre plus sérieux. Ses comédies musicales sont produites à Broadway, comme New york, New york (1944), et l’un des plus grands succès de la scène musicale américaine de l’après-guerre : West side story (1957). Il a aussi composé trois symphonies : Jeremiah (1941-44), Age of Anxiety, (1947-49), Kaddish, (1961-63). Sans oublier ses travaux pour des ballets style-jazz, comme Fancy Free (1944), et un opéra satirique, Trouble in Tahiti (1952).
5° La production de l’Opera North
La production de Matthew Eberhardt reprend l’époque à laquelle Bernstein destinait son oeuvre. Les murs et le sol de leur maison sont recouverts de publicité, et le couple vit dans l’illusion des promesses de celle-ci. On passe d’un studio de radio à un paradis domestique.
Les chants du trio de Jazz évoque les jingles diffusés à la radio. Les costumes sont fidèles à l’époque : Dinah s’imagine être l’héroïne d’un film Hollywoodien. La production est acclamée par la presse. The Times notamment la porte aux nues : « À ne pas manquer… L’habile mise en scène de Matthew Eberhardt et les décors de Charles Edward sont en accord parfait avec les grandes affiches publicitaires. »