Jenufa

Janáček

Le compositeur tchèque Leoš Janáček se distingue par sa capacité unique à créer des atmosphères en seulement quelques notes, avec un lyrisme discret mais passionné, et une émotion d’une intensité rarement égalée dans les opéras du 20ème siècle.

Le compositeur tchèque Leoš Janáček (1854 -1928) avait presque 62 ans lorsque son opéra Jenůfa a finalement été créé à Prague, débouchant alors sur une gloire inattendue. Il avait déjà écrit cinq opéras, dont deux seulement avaient été produits dans sa ville d'adoption, Brno, et le dernier avait été abandonné en désespoir de cause. Le succès de Jenůfa à Prague en 1916 a renversé la situation. Il acheva rapidement son cinquième opéra et en 1919, à l'âge de 65 ans, il se lança dans une dernière décennie étonnamment fertile qui vit la composition de quatre opéras majeurs et d'un certain nombre d'œuvres substantielles dans d'autres genres, comme la Sinfonietta, la Messe glagolitique et les deux quatuors à cordes.

Deux facteurs clés distinguent Janáček des autres compositeurs d'opéra. Dès la fin des années 1880, il s'est intéressé à la musique folklorique morave, une ressource particulièrement riche et caractéristique en termes de tonalité et de rythme. Cela a eu pour effet à long terme d'enrichir et de fertiliser son langage musical, sans jamais effacer ses racines tonales. Il en est né un langage musical hautement caractéristique, frais, attrayant et accessible. Un deuxième facteur du succès de Janácek vient de son talent de dramaturge musical. Bien que ses opéras de maturité traitent de certains thèmes étranges, ils fonctionnent tous, à des degrés divers, comme des œuvres scéniques efficaces. Ils sont étonnamment différents les uns des autres, avec leurs mondes et leurs atmosphères propres : de la vie provinciale russe du 19ème siècle (Katya Kabanova) au vérisme paysan morave (Jenůfa) en passant par la Prague mondaine des années 1920 (L'Affaire Makropoulos), de la vie des animaux dans les bois de Moravie (La Petite Renarde Rusée) au camp de prisonniers en Sibérie (De la maison des morts). Ce qui les unit, c'est leur brièveté, l'étonnante capacité de Janácek à suggérer et à changer d'atmosphère en quelques notes seulement, son lyrisme concis mais passionné, une humanité, une compassion et une tension émotionnelle sans pareilles dans les opéras du 20ème siècle.